Refus de diagnostique / Tacha

Les choses n’avaient pas été faciles pour Andrew ces derniers jours. Il m’avait rapidement parlé d’un enfant qui était décédé. Je lui avais laissé l’espace nécessaire, mais il savait que j’étais là, dans l’ombre. Je ne pouvais pas faire grand-chose après tout. Il était près de la mort quotidiennement mais ce n’était pas mon cas. Les seules choses que je pouvais lui offrir c’était mon épaule pour pleurer et mes oreilles pour l’écouter. Ce jour-là, je sortais de mon cours de karaté lorsque je vis plusieurs appelle de Carina, la sœur d’Andrew. Cela devait être important pour qu’elle ait autant insisté et quand je réussis à la joindre, elle me dit que son frère s’était enfermé dans la salle de garde et refusait d’ouvrir à quiconque. Je lui promis d’arriver rapidement. une fois sur place, elle m’expliqua qu’il ne voulait vraiment voir personne, mais que peut-être moi, il accepterait de me parler. Nous avions déjà discuté elle et moi de ce que pensaient les médecins au sujet d’Andrew, mais il refusait de se faire suivre. Pour cela, il fallait que je trouve les mots juste, mais est-ce que vraiment j’étais la mieux placée pour lui en parler ? Je ne connaissais rien à ce qui était médical. Elle finit par me laisser devant la porte, seule et je frappais un petit coup doucement, avant d’entendre un Andrew détruit qui demandait à Carina de s’en aller. Je me raclais la gorge doucement « Ben tant mieux, c’est pas Carina… Tu veux bien me laisser entrer ou je dois défoncer la porte ? » Je sentais qu’il avait juste besoin de moi là tout de suite et s’il refusait de m’ouvrir, j’étais prête à tout péter pour être auprès de lui. Attendant qu’il me réponde, je me posais juste à coté de la porte, pour qu’il soit quand même libre de m’ouvrir s’il le désirait ou simplement de me parler si c’était ce dont il avait besoin dans l’immédiat.

Je ne savais pas exactement ce qui arrivait à Andrew, mais quand Carina m’avait demandé de venir, je n’avais pas hésité une seconde. Il était ma vie, mon essentiel et s’il avait besoin de moi, je serai là. Quand il entendit ma voix et me demanda de partir, je ricanais doucement, qu’aurais-je pu faire d’autre ? « Parce que tu crois que je vais partir ? T’as pas besoin de parler, mais juste ouvre cette saleté de porte ! » Après de longues secondes qui me semblaient être une éternité, il finit par m’ouvrir la porte, tout en plongeant sa tête dans ses mains. « Ne me dis pas que tu vas bien alors que tu sais que ce n’est pas le cas ! Je te connais Andrew… Et comment voudrais-tu que je te regarde ? » Inquiète, oui je l’étais. Ce n’était pas Andrew que j’avais sous les yeux, mais que l’ombre de lui-même. Il me faisait vraiment mal au cœur et tout ce que je pouvais faire, c’était être présente. Je sentais qu’il avait envie de craquer, de pleurer, mais qu’il se retenait encore une fois. Je fermais la porte de mon pied pour nous laisser ce cocon dans lequel il s’était plongé. Il ne voulait pas de moi, mais je ne lui laissais pas le choix, finissant par attraper ses bras pour qu’il m’en entour. « Je suis là Andrew… Tu n’as pas à te refermer sur toi-même. Si tu vas mal, je vais mal, si tu veux pleurer, fais le sur mon épaule. Si tu as besoin de crier, crie, mais juste accepte que je sois là ! » Petit à petit, je sentais qu’il s’ouvrait, mais pour combien de temps et surtout à quelle sauce ? Tout ce que je savais, c’est qu’il ne voulait pas accepter la bipolarité dont tout le monde lui parlait. J’avais fait quelques recherches, mais clairement, il faudrait que j’en fasse encore pour pouvoir l’aider au mieux et être la meilleure petite amie possible pour lui. 

Vous savez quand on sent que quelque chose ne va pas bien mais qu’on se sent impuissante ? Et bien c’est ce que je vivais actuellement. Je sentais que Andrew avait besoin de moi, mais qu’est-ce je pouvais faire ? il refusait de voir un spécialiste pour discuter de sa santé et tant qu’il était comme cela, je ne pouvais rien faire. « Il n’y a pas de S’il te plait… Je ne te laisse pas seul dans cet état ! » Heureusement, il m’avait ouvert. Cela m’aurait ennuyé de défoncer une porte aujourd’hui. Bon, clairement, il était au fond du bac. Il me parlait de patients morts à cause de son incompétence, mais j’étais persuadée que ce n’était pas sa faute « Andrew… regarde-moi ! Déjà, tu n’as pas perdu 50 patients alors arrête de dire des conneries ! Et là tout de suite, non tu ne vas pas bien. Si tu me disais exactement pourquoi tu es dans cet état ? AU moins je pourrai t’aider. » Je pense que c’était surtout ça. Si Andrew se refermait sur lui-même, je ne pourrai clairement rien faire pour l’aider et le soutenir. Il était bien plus fragile qu’il ne le laissait paraitre et je le sentais impuissant. Mon câlin semblait lui donner un minimum de confiance en lui et il se mit à me parler. Il s’était ensuite défait de mes bras pour cogner contre le meuble, me disant que tout le monde le croyait fou. Je me mis à sa hauteur, mes mains sur ses genoux « Andrew, tu n’es pas fou, jamais je ne te croirais fou. Ce que je vois là, c’est un homme perdu, désemparé. Je sais que tu as perdu un patient que tu suivais depuis longtemps, mais delà à te mettre dans cet état, il y a autre chose tu ne crois pas ? Tu pourrais essayer de discuter avec un spécialiste qui pourrait t’aider à remonter la pente tu ne crois pas ? » Même si j’avais déjà entendu ses collègues sous-entendre qu’il avait des crises et que cela pouvait faire penser à de la bipolarité, je n’en savais pas plus. Et clairement, je n’étais pas apte à lui poser un diagnostic.

Clairement, je n’étais personne pour donner un diagnostic à Andrew. Tout ce que je savais, c’est ce que sa sœur m’avait expliqué, ainsi que ses collègues qui m’apprécient. Tout le monde ne voulait qu’une chose, l’aider à aller mieux. Malheureusement, il ne voulait pas de notre aide et cela, je ne pouvais rien faire contre. Le voir sombrer de cette manière me brisait le cœur plus que tout. Je ne voulais pas qu’il soit mal, je ne voulais pas qu’il baisse les bras. Mais si Andrew refusait également mon aide, je pense que personne ne parviendrait à faire qu’il s’en sorte. « Tu es là pour aider à apaiser leurs maux. Tu es celui qui les aide à aller mieux quand cela est possible. Malheureusement, seul Dieu ou je ne sais qui à la possibilité de leur sort final dans cette vie. Je sais que tu tenais à la vie de cet enfant, comme tu tiens à la vie de chacun de tes patients. Mais comme je te le dis, ce n’est pas toi qui lui à ôter la vie. S’il s’est envolé, c’est que c’était son choix. » dis-je doucement en pointant le ciel de mon doigt. « JE sais que ce n’est pas facile, mais tu ne peux malheureusement pas sauver tout le monde. Je sais que 4 ans c’est tout petit. Ses parents savaient que cela allait arriver, donc oui, ils sont dévastés aujourd’hui, mais dans quelque temps, cela ira mieux. C’est pareil pour toi ! Par contre, il ne faut pas que tu te mures dans le silence » Andrew n’arrivait pas à avoir cette distance avec ses patients, je le savais pertinemment. Il était entier, autant dans sa vie privée que professionnelle. Mais il fallait pourtant qu’il arrive à s’éloigner de tout cela. J’avais mal de le voir ainsi, mais je ne pouvais rien faire si ce n’est être présente. « Parce que s’il avait vécu encore quelques années en passant la majorité de son temps dans un hôpital mériterait plus de vivre ? C’est un enfant qui s’est battu jusqu’au bout. Si vraiment ca te bouffe autant que cela, pourquoi ne pas changer de voie ? Je sais que tu adores ton travail, mais là, il s’en va de ta santé mental mon amour. Je ne peux pas te regarder t’autodétruire de cette façon-là » C’était surtout pour cette raison que je lui parlais d’aller voir un spécialiste. Je pouvais bien être présente et l’aider du mieux possible, je n’avais pas les mêmes cartes à jouer qu’un psy. Quand je vis son geste de recul, je me rapprochais très lentement de lui, posant ma main sur son bras, tout doucement, avec tout l’amour possible que je portais pour lui, je murmurais « Je cherche la meilleure solution pour te sortir de cette étape difficile que tu traverses Andrew… Je n’ai pas la capacité de t’aider plus que tant malheureusement. Je ne te demande pas d’aller faire une cure de désintox ou je ne sais quoi. Je te demande simplement d’aller discuter avec quelqu’un qui trouvera certainement mieux les mots que moi pour te venir en aide. Tu comprends ? » J’avais l’impression de lui parler comme à un enfant, mais en même temps, la posture qu’il arborait en ce moment précis m’y faisait penser. Les mots que Carina et d’autres avaient eu à son égard me revenait en tête, les recherches que j’avais fait sur la bipolarité également. Mais comment le lui expliquer sans l’offenser encore plus ? J’étais dans son équipe, pas contre lui, mais cela, il faudrait du temps pour qu’il le comprenne je pense.

Vivre avec un médecin, ce n’était pas tous les jours faciles, mais quand celui qu’on aime plus que tout commence à douter, c’est encore plus difficile. Voir Andrew dans cet état me touchait au plus profond de moi. J’aurai voulu pouvoir prendre sa peine, faire qu’elle s’envole, mais je ne pouvais qu’être l’épaule sur laquelle il pourrait s’appuyer. « Andrew… ce n’est pas toi qui leur prends la vie d’accord ? C’est malheureusement le destin ou je ne sais quoi qui fait que cela tombe sur eux. C’est clair que les monstres mériteraient plus que quiconque de partir en premier, mais tu sais très bien qu’il y aura toujours des personnes pour pleurer ces pertes. Cela ne servirait à rien non plus » Je savais très bien qu’Andrew était fait pour son métier, je ne le voyais pas faire autre chose non plus. Je cherchais un peu un moyen de lui faire un électrochoc mais je ne pourrai pas dire si cela à fonctionner ou pas. En tout cas, il cherchait une réelle réponse mais celle donnée était de loin celle que je préférais « Je le sais Andrew… Mais tu n’es pas seul… déjà, je suis là pour t’aider dans toutes tes épreuves ne l’oublie pas… » J’aurai voulu le croire quand il me disait être juste triste, mais quelque chose sonnait faux dans son discours. Je ne pouvais pas totalement y croire. Andrew était différent parfois et j’avais du mal à le reconnaitre. C’était le cas en ce moment précis. J’avais convenu avec son responsable de l’amener dans son bureau lorsque j’aurai réussi à le faire sortir de son placard. Je finis par lui attraper la main pour le serrer très fort dans mes bras. « Je comprends… mais avant de partir ton chef veut te voir. Ce n’est pas négociable, tu ne sortiras pas de cet hôpital tant que tu ne l’auras pas vu. Je reste avec toi, je suis là, c’est une formalité, rien de grave d’accord ? »Je me retrouvais à lui parler comme j’aurai parlé à mes élèves durant un cours lorsqu’ils rencontrent un problème. Mon objectif était de le convaincre sans le braquer, même si je me rendais compte que cela serait très compliqué. J’ouvris très lentement la porte, ne lâchant jamais sa main.