Il faisait gris, terne et froid. J’avais l’impression que la température était le parfait reflet de mon humeur, mais le fait était que je détestais avoir froid. Je détestais ça de tout mon être. Vêtu d’une veste chaude, d’un foulard rayé bleu et noir cachant mon cou et d’un bonnet de la même couleur, je sortais du petit café de la ville avec un fabuleux chocolat chaud entre mes mains. Une gorgée de ce délicieux nectar me fit grogner de plaisir alors que mes pas me guidaient vers l’aquarium de Storybrook. Bien sûr, ce n’était pas tout près, mais armé de mon breuvage extraordinaire, j’étais prêt à affronter vent et marée. Un léger sourire amusé trônant sur le coin de mes lèvres, nous étions peu nombreux à affronter le froid matinal automnal, mais ça aussi, je m’en fichais. Le simple fait de me rendre à l’aquarium plutôt qu’au bureau du vétérinaire était suffisant pour me rendre heureux. Je détestais l’oppression que créait les murs de mon bureau sur mon mentale alors qu’avec ses immenses bassins translucides, l’aquarium ressemblait à un micro-univers dans lequel j’évoluais avec une aisance naturelle.


La silhouette de l’aquarium se dessina devant moi et sans m’en rendre compte, mon pas augmente. Je marche plus rapidement et mon chapeau tombe au sol. Je ne prends même pas le temps de m’arrêter pour le ramasser, je n’ai qu’une seule envie et c’est d’entrer chez moi. Parce que oui, l’aquarium c’est ma maison. Je m’y sens beaucoup plus à ma place que dans la maison que j’habite. Ici, je ne suis pas seul, même si pour une raison inexplicable, certaines espèces marines semblent effrayés par ma présence. « Bonjour » Dis-je en saluant machinalement la réceptionniste. Son nom? Aucune idée. Je ne suis proche de personne ici. Selon mon psychologue, mon charisme est incroyable, mais je dégage aussi quelque chose d’intimidant, selon lui. Alors je reste secret. Peut-être un peu trop pour avoir une vie sociale étendue. C’est triste, un jour j’aimerais qu’on dépasse les préjugés. Rien qu’une fois…


Je retire ma veste et mon foulard et je vais les déposés dans mon bureau. Mon regard bleu océan parcours les aquariums d’un regard affectif. À cette heure-ci, tout est paisible, les visiteurs n’arriveront pas avant deux bonnes heures et l’équipe d’entretien vaque sans doute dans les bureaux afin de finaliser le ménage. « Qu’est-ce qui se passe? » Murmurais-je avec étonnement en voyant une silhouette à la longue chevelure rousse ardente posté devant le bassin des requins. Que faisait-elle là? Les heures de visite n’étaient même pas commencées. Vêtu d’un jeans troué et d’une chemise lâche bleu foncé, je m’approchais d’elle lentement. « Excusez-moi mademoiselle, mais les visites ne sont pas encore com… » Commençais-je à dire doucement avant d’arriver près d’elle. Ah. Oups. Ce n’était pas une visiteuse, mais une stagiaire, je crois. J’étais sur le point de m’excuser de mon erreur, mais un choc immense contre les parois de l’aquarium me fit sursauter. « Mais qui a mis un requin-renard à gros yeux avec Flotsam? Ils vont s’entretuer! » M’exclamais-je en me précipitant vers l’échelle d’acier afin de monter tout en haut du bassin. « Allez dépêche-toi, je ne pourrai pas les séparer seul! » Grognais-je alors que les requins se mordaient violemment entre eux. Si une blessure devenait sérieuse au point de se transformer en hémorragie, il serait trop tard.


Je retire précipitamment ma chemise et je la jette au sol avant de regarder la rousse. « Tu te bouges ou quoi? » Rajoutais-je en retirant mon portefeuille et mon téléphone des poches de mon pantalon. C’était une mission dangereuse, mais il était hors de question que je laisse nos requins s’entredévorer!

« Vous travaillez ici, vous regardez le bassin et vous ne comprenez pas qu’il y a quelque chose qui ne vas pas? » Dis-je avec une certaine incrédulité alors que j’observais avec inquiétude les autres requins tournés autour des deux combattants. De toute évidence, ces grands poissons sentaient la mort approcher et ça les excitaient un peu trop. Ce n’était qu’une question de temps avant que tout dégénère et sincèrement, j’avais beaucoup plus important à faire que de tenter de préserver l’orgueil de cette gamine. C’est triste à dire, mais à mes yeux, la sécurité de nos pensionnaires marins avait beaucoup plus de valeur et d’importance que son pauvre petit égo blessé et si je me fiais à mes connaissances sur ces espèces, nous n’avions pas beaucoup de temps pour calmer le jeu avant que le carnage ne commence.


« Désolé princesse, mais bien te parler ne fait pas partie de mes priorités en ce moment, alors soit tu te décides d’être professionnelle et tu viens m’aider, soit tu vas me chercher n’importe qui de moins susceptibles qui comprends que la situation est grâce » Dis-je en retirant mes chaussures et finalement mon jeans avant de sauter dans le bassin. Oui, normalement lorsqu’on entrant dans un bassin de ce genre, on évite les éclaboussures afin de ne pas attirer l’attention, mais c’était justement ce que j’essayais de faire en ce moment. Détourner l’attention des prédateurs afin de faire cesser les combats. De toute évidence, la stagiaire se considéra capable de venir m’aider puisqu’elle monta à son tour au sommet du bassin afin de venir me rejoindre dans l’eau après avoir retiré beaucoup de ses vêtements.


L’eau calme immédiatement mon anxiété et je regarde le fond de l’aquarium, en analysant la situation. Il était évident que sans bonbonne d’oxygène, nos interventions se devaient être brève et précise. « J’espère que tu es une bonne nageuse en apnée princesse, parce qu’on n’a pas le loisir de perdre du temps » L’avisais-je en me demandant comment nous allions nous y prendre pour séparer deux prédateurs agressifs sans aucun équipement qui assurerait notre sécurité. Mon regard océan analyse ce qu’il y a autour de nous et je me mords la lèvre. « On doit sortir le requin renard de ce bassin et l’enfermé dans le réservoir adjacent. Je vais attirer tous les autres requins vers moi pendant que tu le pousse dans la bonne direction, ça te va? » Lui dis-je sans vraiment lui demander son avis. Si cette gamine voulait rouspéter, je la jetais hors du bassin et je me débrouillais seul! D’ailleurs, pendant que je lui parle, je me rapproche de mon jeans qui est près du bord de l’aquarium et j’en retire un couteau-suisse qui trainait dans mes poches. Quelques secondes plus tard, je m’entaille profondément le poignet en grognant. « On a une seule chance, si ça rate, tu sors, compris? » Ordonnais-je en tenant mon bras hors de l’eau. Je savais qu’à la seconde où le sang toucherait l’eau, tout irait vite.

Je déteste les gens qui remette mon travail ou mon attitude en doute. Après tout, je suis le vétérinaire de l’endroit et si je parle avec empressement et sans prendre de gants blancs, c’était que la situation était plus urgente qu’une tortue aillant une indigestion. Sauf que de toute évidence, cette rousse préférait beaucoup plus entendre le son de sa propre voix indignée plutôt que de porter secours à ses animaux aquatiques. « Je trouve sincèrement intéressant que tu préfère t’outré sur ta petite personne plutôt que de te taire et t’inquiéter pour ce requin » Fis-je remarquer avant de plonger sous l’eau quelques secondes afin de réduire la température de mon corps. Beaucoup de nageur ignorait que cette technique aidait à l’apnée puisque le corps pouvait se concentrer sur son oxygénation plutôt que sur le changement de température occasionné par un choc des climats.


« Mademoiselle Russell, à votre place, j’apprendrais quelques notions de respect. Je suis le vétérinaire et vous sur un emploi étudiant. Un autre mot de travers et je m’arrange pour vous faire congédier » Sifflais-je d’une voix glaciale en plantant mon regard menaçant dans le sien. Quelque chose en moi la détestait viscéralement alors qu’on ne se connaissait pratiquement pas, mais le fait était que j’étais en situation de pouvoir et que, de ce fait, j’étais son patron. Elle avait une obligation de respect et elle devrait vraiment apprendre à se maîtriser, la gamine. Un vétérinaire aquatique aussi qualifié que moi était beaucoup plus difficile à remplacer qu’une petite étudiante arrogante.


Nous plongeons finalement sous l’eau et je me dirige rapidement vers les requins de plus en plus agités, laissant à la rousse le soin de s’occuper du petit blessé. Les autres squales sont agités et veulent achevés le blessé. Je dois tenter de les distraire sans me faire croquer, ce qui est difficile vu l’impatience de ces sublimes créatures qui montent en flèches. Je reçois un violent coup de queue dans l’estomac lorsque je tente de repousser l’un d’eux. Un flot de bulles s’échappent de mes lèvres, mais au moins, je remarque que l’arrogante rousse a réussi à isoler le blessé dans le bassin de soin. Je m’empresse de la rejoindre et enfin, je monte en surface pour respirer de nouveau. « Bon sang » Râlais, je en me rendant compte de l’hématome gigantesque qui commence à se dessiner sur mes abdos, suite à l’attaque du requin. Le bassin de soin est petit et l’eau nous arrive à la taille. Nous pouvons donc respirer tout en prenant soin de l’animal.


« Allez mon gros, montre-moi tes blessures » Dis-je en m’assoyant dans le bassin et en attirant le squale à moi, beaucoup plus chaleureux avec le requin qu’avec les autres humains. Le pauvre, il s’était fait massacrer et si on ne l’aidait pas, il ne pourrait plus nager correctement. « Nous allons faire de la magie pour le tenir calme. Je vais avoir besoin de toi » Dis-je à la rousse. Il était impératif que le gros poisson carnivore reste immobile. Doucement je caresse le museau du requin à la recherche de son point le plus sensible et je commence à le masser doucement tout en effectuant une légère pression sur la peau. « Tu vois ce petit endroit plus tendre ici, sur le museau entre ses yeux? Il y a un point sensible neurotransmetteur qui déclenche une avalanche d’endorphine chez le requin et qui le plonge dans une espèce d’état second. Il est trop faible pour qu’on utilise des médicaments hypnotiques sur lui, alors on va utiliser son propre corps contre lui afin qu’il se laisse soignée sans bouger » Expiquais-je en désignant l’endroit que je massais. « Je vais te demander de continuer le petit massage du museau pendant que je le fait pivoter sur le dos. Il se retrouvera complètement désorienté et se laissera faire comme un chiot quémandant des caresses » Dis-je sans cesser les palpations sur le museau du requin.