Dans un petit village, non loin d’Afton Alps, une station de ski dans le Minnesota, de somptueuses et lumineuses guirlandes embellissaient l’établissement où ils logeaient. Divers sapins dressés décoraient le hall d’entrée. D’autres décorations comme des couronnes d’Étoile de Noël parsemaient les balcons des étages. Ils baignaient dans un environnement féerique où les yeux des enfants brillaient de mille feux à la vue d’une telle décoration. De faux cadeaux chargés de rubans trônaient au pied des arbres festifs ainsi que dans d’autres endroits. Ce décor était semblable à celui des films de Noël ! Tout était parfaitement arrangé avec grâce et goût. Pour les minimalistes, la décoration était quelque peu excessive. En fond sonore, on pouvait également entendre les classiques de Noël diffusés en boucle… Il y avait même un emplacement dédié pour une chorale ! Sans oublier, la possibilité de s’asseoir sur les genoux du Père Noël et lui demander un objet désiré. Le regard malicieux de Kai s’aventura sur le trône fourré d’un tissu rouge et revint vers Tate… Un sourire amusé trônait sur son visage. L’idée de voir son amant sur les genoux d’un vieil homme et lui dire ô combien il appréciait le deuxième amendement et souhaitait une nouvelle arme pour sa collection, déjà bien fourni, l'amusait. Sans oublier, qu’il lui tiendrait un discours enjoué sur ses œuvres et sur ce qu’il pourrait accomplir avec un tel présent ! Kai se contenta de glousser à cette pensée, mais ne la partagea pas. Son faciès en disait bien assez. La réceptionniste vint les accueillir.
« Bienvenue ! Monsieur Anderson… Et ? » Un instant, Kai toisa l’homme à ses côtés, recherchant la qualification qu’il pourrait lui offrir.
« Monsieur Anderson, également. » La jeune femme afficha un grand jour à cette nouvelle, mais ne le questionna pas davantage en sentant le regard intense de son interlocuteur.
« Quelle joie de voir que vous avez choisi notre établissement pour cette période. Les petits-déjeuners sont disponibles jusqu’à 10 h 00. Cette année, nous avons la chance d’organiser des balades en traîneau tiré par des rennes. N’hésitez pas à nous solliciter, si vous désirez parcourir nos belles plaines enneigées. En attendant, je vous souhaite un merveilleux séjour. Voici, vos clefs. » Elle lui tendit l’objet et poursuivit avec professionnalisme.
« Nous avons pris la liberté de vous préparer une surprise dans votre suite, monsieur Anderson... Messieurs Anderson. » Un sourire faussement docile se dessina sur son visage. Grâce à son poste dans la politique, le sénateur du Michigan se voyait accorder divers privilèges lorsqu’il s’autorisait des moments de détente en compagnie de son sosie préféré.
« Ne vous préoccupez pas de vos bagages, nous les montons pour vous ! » « Quelle amabilité... Si seulement, l’Amérique était peuplée de femmes comme vous. » Docile et aimable, prête à faire n'importe quoi pour satisfaire la gent masculine.
Débarrassé de tout sous-fifre incompétent ou inutile, Kai soupira longuement et empoigna la carte de bienvenue de l’hôtel. Son prénom et son nom étaient inscrits en lettre d’or suivi de son poste : sénateur. Son pouce glissa sur le papier… Il savourait son ascension… Le pouvoir était tout ce qui comptait pour Kai. Rien d’autre n’avait de la saveur ! Enfin… Un autre élément gardait une importance gargantuesque dans son cœur ! Lui… Cet être dont Kai s’était farouchement entiché. Ses yeux sombres le contemplaient et le détaillaient avec une certaine gourmandise et un attrait profondément malsain. Tate Langdon. Un meurtrier. Un monstre. Kai le voyait autrement, différemment… Il voyait un reflet de son passé. Un homme à la dérive. Désormais, il était là ! Prêt à lui extirper la tête de cet océan de mensonge, à le façonner à son image... Lui, seul, lui apportera la vérité ! Tate était son égal, mais bien plus encore. Son amour fait de corps meurtris et de beautés défigurées… Un solo de sanglots qui retombe et reprend à la danse mortifère de ses doigts… Unis, la barbarie sera et restera, hélas, sans espoir.
« Quelle surprise de merde. » Ses doigts jetèrent avec dédain cette carte. Ce cadeau n’était en aucun cas à la hauteur de Kai ! N’importe qui méritait une simple et stupide lettre de bienvenue ! Agacé par cette obscurité, Kai actionna le bouton et les rideaux se mouvèrent lentement, relevant peu à peu le balcon.
« Tate ? » Son impatience le laissait perplexe… La cause de ce trépignement se situait sans doute dans le coffre de leur voiture.
« Ne t’en fais pas… » Souffla-t-il, rassurant. Sa main se glissa sur sa nuque et ses doigts chatouillaient son cuir chevelu.
« Elle sera tout à toi, mon doux prince. » Susurra-t-il au creux de son oreille.
Lentement, le rideau dévoila le généreux cadeau. Des pétales de roses étaient parsemés sur la neige et le parquet, ici et là. Des bougies placées dans des lanternes créaient un couloir jusqu’à un petit escalier. Ses trois marches menaient à plateforme ronde légèrement surélevée par rapport au plancher du balcon. En son sein, un bassin d’eau fumait légèrement. La température de l’eau tournait aux alentours des trente degrés contrairement à la température extérieure qui avoisinait les moins un. À côté du jacuzzi, deux serviettes soigneusement pliées en forme de cygnes gardaient religieusement les deux coupes de champagne. Pour agrémenter ce décor idyllique, quelques timides flocons virevoltaient au gré de la légère bise hivernale. Intrigué par cette niaiserie, il délaissa Tate et s’approcha de la fenêtre.
« Hum… Pas si merdique que ça. » Quel odieux menteur… Peu de choses émoustillaient Kai et ce genre d’ânerie ne lui faisait ni chaud, ni froid.
« Des cygnes ? » Soupira-t-il, excédé. La dévotion de cette femme l’amusait… Docile, elle restait plus agréable que la plupart des autres femelles de cette terre, qui clamait une égalité entre les hommes et les femmes. Autour du garde-fou, diverses guirlandes rappelaient la période de fête actuelle ! Contrairement aux oiseaux en tissu, ces dernières restaient dans le thème… Noël n’avait jamais eu une grande signification pour Kai. Ce n’était qu’une fête, parmi tant d’autres… Pourtant, les Américains appréciaient sa symbolique… Alors, si le peuple appréciait cette pathétique fête, Kai feindrait une appréciation pour manipuler un maximum de brebis égarées. Cette mentalité était sans doute l’une des raisons de sa présence dans ce village miteux. Son autre raison se tenait, debout, non loin de lui. Anderson désirait passer du temps avec lui… Il mêlait l’agréable à l’utile... Les pions de sa secte l’emmerdaient avec leur moralité et leur bienséance. Dieu possédait l’archange Michael comme champion… Kai, quant à lui, avait la dévotion de Tate. Il était son bras armé de la justice. Il était son tout.
« Autant en profiter, non ? » Est-ce que Kai Anderson se laissait prendre au jeu ? Aussi anormale que cela puisse paraître : oui. Peut-être que la magie de Noël opérait au sein de son cœur. Elle ne soignerait pas son âme putride, mais elle lui permettrait de raffermir cette émotion qu’invoquait son amant par sa seule présence : l'amour. Brutalement, il pivota et planta son regard devant le sien.
« Joins-toi à moi, mon sucre d’orge. » L’invitation sonnait plus comme un ordre. Son sourire en coin, goguenard, reflétait son amusement quant à son petit surnom. Il se laissait aller à des mièvreries futiles et quelques provocatrices... Anderson n'était pas du genre très affectueux, mais en ces périodes de fête de fin d’année, l'impossible devenait possible. Leur souffle se mêlait, mais malgré cette proximité, Kai ne fit rien… Il souhaitait réveiller la dépendance de Tate pour sa personne… Toujours avec son sourire narquois, il rompit cette tension. Insensiblement. Il ôta ses vêtements, enfila l’un des peignoirs déposés sur le lit. Avec précipitation, il parcourra le froid mordant et plongea dans l’eau bouillante. Ses iris scrutaient avec intensité la porte coulissante attendant son amant. Au rez-de-chaussée, la chorale débuta une interprétation de Silent Night sous les doux accords d'une guitare. Quel cadre adorable pour deux hommes souffrant de trouble de la personnalité antisociale...
