Vacances imposées - feat Antonio

Ce matin-là, je m’étais encore une fois levé très tôt. Il faut dire que mes nuits tranquilles de sommeil ne semblaient plus être que de lointains souvenirs. Depuis que j’étais rentrés du front, mes cauchemars étaient récurrents.  Chaque fois que je fermais les yeux, j’étais harcelé par des souvenirs horribles de mes camarades et amis tombés au combat. J’avais aimé la guerre et l’armée tout autant que je détestais les marques indélébiles qu’elles avaient laissées dans ma mémoire. J’espérais qu’un jour je pourrais retrouver un sommeil réparateur mais pour le moment, je devais composer ma vie avec mes insomnies.

Cela n’avait pas que des mauvais côtés. Je m’habituais à me passer de sommeil et cela me permettait de faire d’autres activités. J’avais pris l’habitude de faire un footing en matinée pour profiter du climat plus reposant qu’en pleine après-midi. Je croisais également beaucoup moins de personnes. C’est tout du moins ce que je croyais. Car ce matin, j’avais à peine eu le temps de faire quelques kilomètres que j’entendis un cri de détresse venir de l’autre côté de la rue. Mon instinct de sauveur se mettant en branle, j’avais accouru dans la direction des cris. J’avais alors découvert une pauvre jeune femme apeurée au milieu d’une bande de quatre voyous armés jusqu’aux dents. Cela ne me faisait évidemment pas peur. Même avant de rejoindre les rangs de l’armée, j’avais toujours été du genre chevalier servant à voler au secours de la veuve et de l’orphelin. Ancien flic, j’avais même gardé l’habitude de garder sur moi un flingue ainsi qu’un couteau à crans d’arrêt. Je n’étais pas un fou dangereux non plus. Si je pouvais éviter de tuer les types en face de moi, je le ferais bien évidemment. C’est pour ça que je préférais attaquer mes adversaires dans un combat à main nue. Gardant tout de même mon couteau à la main si jamais ils ne me laissaient pas d’autres choix.

« Eh les gars, vous allez la laisser tranquille. »

« Non mais de quoi je me mêle. Dégage, mec ! »

« Comme vous voudrez. »

Je me lançais alors à l’assaut. Immobilisant le premier grâce à une prise de karaté, je déboitais le bras du deuxième type qui s’était montré plus entreprenant. J’assommais ensuite le troisième avant de planter mon couteau dans la cuisse du chef de la bande qui se défendait plutôt bien, le sale type. Bien sûr, j’avais senti mon portable vibrer dans ma poche pendant que je les mettais en pièce mais cela n’avait pas été la première de mes préoccupations. Ce n’est qu’après avoir rendu le sac à la demoiselle que je m’étais préoccupé de ce qui se passait. Je ne connaissais pas le numéro mais il y avait très peu de personnes qui m’appelaient. Lorsque cela se produisait je savais que cela ne signifiait qu’une chose. Un de mes frères et sœurs avaient des ennuis et il n’avait trouvé que moi pour venir à leur secours.

« Et merde ! »

Je décrochais alors le téléphone avant d’apprendre que c’était encore Ethan qui avait fait le malin. Il faut dire que c’était plutôt un spécialiste en la matière. Le problème c’est que l’école d’Ethan était bien à une heure d’ici en voiture. J’aurais pu refuser, cela aura pu lui servir de leçon. Mais je savais que ça tournerait en boucle dans ma tête alors j’acceptais en espérant que cela serait moins pénible que ce que j’imaginais.

Prêt d’une heure plus tard, j’arrivais devant l’école d’Ethan. Bien évidemment, je n’avais pas eu le temps de me changer et de gardais encore mon training noir de sport. Je n’avais pas eu plus le temps de bien effacer les marques de blessures et les taches de sang de mon visage d’ailleurs. Au moment où Ethan me lança sa pique, je le foudroyais de mon regard noir.

« C'est tout ce que tu trouves à me dire ? »

Je le laissais s’asseoir à mes côtés et attendis un moment avant de redémarrer la voiture.

« T’es vraiment pas croyable, Ethan. Tu tiens à ce point à te faire virer de ton école ? C’est quoi la deuxième fois que ça t’arrive en moins d’un semestre ? »

Je me calmais alors un peu, vidant mon sac avant de reprendre le contrôle de moi-même. J’en avais besoin et cela me fit beaucoup de bien. Je repris alors la parole.
« Bon t’as envie de me parler de ce qui s’est passé ? »
 

J’avais dû prendre sur moi pour parvenir à conserver mon calme durant tout le trajet. Bon certes, j’avais parfois dépassé les limitations de vitesse et insulter certains conducteurs ayant certainement gagnés leurs permis de conduire dans une pochette surprise. Mais ce n’était rien face à la colère que j’aurais pu éprouver à l’idée de devoir aller chercher Monsieur je sais tout à une heure de chez moi. En revanche, lorsqu’il se permit de me faire une remarque à mon arrivée, je n’avais pas pu m’empêcher de le foudroyer du regard. Si seulement c’était possible, il serait déjà mort à l’heure qu’il est. Passant une main sur mon visage, je pensais que je devais avoir encore le visage ensanglanté.

« T’es pas le seul à avoir eu une matinée plutôt agitée, figure-toi. Et ouais j’ai pas vraiment eu le temps de me faire un brin de toilette. J’ai pensé que tu serais encore plus insupportable en arrivant avec du retard. Alors plutôt que me faire la morale, tu devrais me remercier. Ca serait la moindre des choses. »

Non mais oh, il se prenait pour qui à se considérer toujours pour le chef de famille ? Le centre de l’univers ? Je laissais un léger sourire malicieux apparaître sur mes lèvres lorsqu’il évoqua ses déconvenues avec les professeurs. Franchement, je m’étonnais qu’on ne l’ait pas renvoyé beaucoup plus tôt. Cela ne m’aurait même pas étonné que la moitié d’entre eux finissent en dépression nerveuse par sa faute.

« T’as toujours été du genre à dire aux autres ce qu’ils devaient faire. A croire que t’étais le meilleur. C’est pas étonnant qu’il aient fini par se débarrasser de toi. J’espère juste qu’on deviendra pas tes nouvelles cibles de prédilection pour te calmer les nerfs. Sinon, grande école ou pas je me débrouillerais moi-même pour te coller en pension ailleurs... ou dans un centre de redressement ça t’ira parfaitement bien aussi. »

Bon maintenant que j’avais vidé mon sac, il était temps de repartir. Il me demanda alors si nous pouvions nous arrêter. Après quelques instants de réflexion, je finis par approuver.

« Ouais c’est pas une mauvaise idée. Un remontant me fera du bien à moi aussi. »

Je commençais alors à rouler et m’arrêtais dix minutes plus tard à la prochaine station-service. Je sortis enfin de la voiture, ravi de pouvoir faire quelques pas.
 

Les relations sociales, ça n’était clairement pas mon fort. D’ailleurs ce n’était le cas d’aucun des enfants de la famille Hargrove. Ce n’était pas très étonnant d’ailleurs. L’amour n’avait jamais été un élément essentiel à notre survie et cela notre famille nous l’avait fait clairement comprendre. Alors forcément lorsqu’on devait communiquer, cela se faisait toujours dans le sang et les larmes. D’ailleurs en parlant de sang, je ne prie pas même la peine de répondre à sa remarque sur mon visage. Ce n’était pas franchement le moment.

Mais bien évidemment, il avait fallu que je finisse par exploser. C’était plus fort que moi. Il faut dire que si Ethan avait appris à fermer sa grande gueule lorsque le devait cela ne se serait jamais produit. Je ne m’en sentais donc pas coupable le moins du monde. Pourtant, au moment où il rétorqua, je ne pouvais pas m’empêcher de penser que j’étais également allé beaucoup trop loin. Je me contentais alors de me mordre la langue plutôt que de rajouter encore une phrase de travers. Pourtant, je l’avais la réplique parfaite mais si nous pouvions éviter de faire monter encore plus fort les décibels cela me convenait tout autant.
Je pris donc la route jusqu’à la prochaine station-service. Et pendant qu’Ethan partait s’acheter son café, je pris le temps de passer aux toilettes pour enlever les traces de sang sur mon visage. Après tout, si mon frère était habitué à ce que je me montre ainsi, ce n’était pas le cas des inconnus que je croisais dans la rue. Je préférais donc éviter de me faire remarquer.

Je revins peu de temps apprès avec un café bien serré et un croissant fourré au jambon. Je n’avais jamais été très fan de sucreries. Je consentais enfin à prendre la parole devant Ethan cette fois sur un ton beaucoup plus doux.

« Je t’en prie… excuse-moi de t’avoir menacé de te renvoyer en pension. C’était pas correct de ma part. »

Je bus alors une gorgée de café, me demandant bien sur quoi je pourrais lancer la discussion. Ethan et moi on pourrait jamais se comprendre. On était beaucoup trop différents pour ça. Mais j’essayais malgré tout.

« Alors, maintenant que tu te retrouves sans école, qu’est-ce que tu comptes faire ? »