Correspondance entre Mister Ravenswood et Lord Gray

Cher Monsieur Ravenswood,

Vous ne me connaissez pas, laissez moi donc le présenter rapidement. Je me nomme Dorian Gray et j’ai ouïe dire que vous vendiez un portrait de laître qui aurait toute sa place dans ma galerie.

Je dois vous avouer, que j’ai une grande passion pour les portraits et les pouvoirs qu’ils renferment. Peut-être penserez-vous que je suis fou. Mais si comme l’adage le dit l’ont peut lire l’âme d’un homme dans son regard, je pense que l’on peut dire la même chose d’un portrait finement réalisé. Le portrait en dit autant sur le modèle que sur le peintre.

Le prix n’est pas un souci, tant que vous saurez vous montrer raisonnable.

Veuillez recevoir mes salutations les plus distinguées.

Mr Dorian Gray

Cher Monsieur Gray,

J’ai été agréablement surpris de recevoir votre lettre. Il y a si longtemps que je me désespérais de pouvoir vendre cette œuvre. Ce n’est pas qu’elle soit repoussante ou mal réalisée. J’en veux pour preuve la charmante esquisse réalisée par ma fille que vous pourrez trouver jointe à cette lettre. Je crains malheureusement que c’est mon excentricité qui a fait fuir tout acheteur potentiel.

Voyez-vous je pense que les œuvres les plus dignes d’intérêt sont celles qui recèlent en elles une grande part de mystère. Et si tout comme moi vous pensez qu’une chose ne peut être réellement appréciée qu’en regardant au-delà des apparences, je suis certain que cette dernière saura vous charmer au plus haut point. Cela dit je ne dirais pas plus à ce propos. Si vous désirez réellement explorer son prodige plus en profondeur, il faudra vous procurer cette œuvre.

Cela dit mon profond désir serait que vous acceptiez cette vente. Cela réchauffera mon cœur britannique de savoir que le talent des grands maîtres de la peinture américaine puissent être reconnus à leur juste valeur sur le vieux continent. Car vous êtes à n’en pas douter un citoyen britannique, n’est-ce pas ? Je vous propose une offre à 200 livres sterling. Je serais cela dit tout à fait enclin à accepter un gain de 180 livres sterling. Cela vous conviendrait-il ?

J’attends avec impatience votre réponse.

Cordiales salutations,

Mr Henry Ravenswood

Chez Monsieur Ravenswood,

L’esquisse jointe à votre courrier dépasse largement l’espoir que je me faisais de l'œuvre que vous avez mise à vendre. Et cela ne fait que renforcer mon envie d’obtenir la peinture. Votre fille à un réel talent et si vous venez à Londres, j’aimerais vous rencontrer tous les deux.

Car oui comme vous l’avez si bien deviné je suis Anglais pur souche. Qu’est ce qui m’a trahie ? Mon langage ? Ma tournure de phrases ?

L’Amérique ne m’attire que peu, je suis un homme qui aime son confort et j’ai peur des vastes étendues sauvages de ce si grand pays. Cependant en voyant l’esquisse de votre fille et l’image que je me fais de vous au travers de votre lettre je pense que vous pourriez être homme à agréablement agrémenter mes salons.

Mais je m’égare, votre prix me semble plus que correct, laissez moi y ajouter un bijou pour votre fille afin de la féliciter pour son coup de crayon.

Bien cordialement.

Cher Monsieur Gray,

Votre lettre me comble de bonheur. Je suis ravi de savoir que le tableau puisse autant vous plaire. Je vous remercie en outre pour le beau compliment fait à l’égard des talents artistiques de mon enfant. Il est vrai qu’elle possède un coup de crayon certain en plus de ses nombreuses autres compétences. Cela vient sans doute de l’éducation anglaise que j’ai souhaitée lui transmettre. Je dois bien admettre que je trouve votre offre de voyages des plus alléchantes. Malheureusement, il ne m’est plus possible de quitter ma demeure pour des raisons de santé. Mais je pourrais toujours le vivre à travers votre regard. A quoi ressemble la belle citée londonienne de ces temps grandioses ?

Quant à vos origines, ce sont vos mots et votre tournure d’esprit qui vous ont trahis. L’Amérique a engendré ses merveilles propres mais la culture et la philosophie n’en font hélas pas partie. J’ai toujours aimé les découvertes et l’aventure, mes ambitions étaient voyez-vous bien trop grandes pour savoir se contenter de la cité cloisonnée de Londres. Ah Monsieur Gray si seulement vous pouviez contempler les beautés et les opportunités que les Etats-Unis peuvent offrir, je suis certain que vous comprendriez mon engouement.

J’espère en tout cas que le tableau que je vous enverrais demain sera vous en donner un avant-goût. N’hésitez pas à m’écrire lorsque vous l’aurez reçu. J’aime savoir que mes acheteurs sont pleinement satisfaits. Je vous remercie infiniment pour votre grande générosité. Est-ce un hasard que vous ayez découvert que l’améthyste était la pierre favorite de ma Mélanie ? Pour vous prouver ma gratitude, je joins à ma lettre une petite fiole de poussière d’or qui ont constitué la raison principale de mon installation dans ces vastes contrées de l’Ouest.

Pour ce qui est du virement, je joins à cette lettre mes coordonnées bancaire ou vous pourrez faire parvenir l’argent.

Recevez, cher monsieur Gray, mes plus cordiales salutations,

Mr Henry Ravenswood

Chez Monsieur Ravenswood,

Chez Monsieur Ravenswood,

Je suis comblé de savoir que mes compliments et mon présent vous ont touché vous et votre fille. Ce n’est cependant que pur hasard si j'ai choisie cette pierre. D’après le bijoutier c’est la dernière mode chez les dames de Londres. Voici donc un peu de ma citée chez-vous.

Londres est dynamique, changeante, bruyante, effrayante et protectrice. Elle est mère; elle est  bourreau. Vous allez me prendre pour un démend, mais j’aime tellement ma ville. Les salons avec des gens de goûts jusqu’au à ses bas fonds glauques et sombres. J’aime Londres dans son ensemble. J’aime son “âme”.

Et bien parlez moi plus en détail de ce manoir où vous vivez. Cela attise ma curiosité.

Concernant votre présent, sachez qu’il me touche. Plus par sa valeur symbolique que pécuniaire. Dans ce falcon froid, enfermé, ces petites pépites représentent un rêve. Le vôtre. Et je suis homme à pousser tout à chacun à réaliser ses rêves.

Mais je m’égard de nouveau, je ne vous connais pas et pourtant je m'épanche dans mes courriers.

Votre tableau à une place de choix dans ma collection et le paiement à été effectué, veuillez bien me le confirmer.

Avec amitié.

Cher Monsieur Gray,

Quelle agréable surprise de recevoir votre lettre ce matin. Cela vous semblera sans doute étrange mais je pensais justement à vous. Voyez-vous j’ai amassé bien des souvenirs au fur et à mesure des années et je suis tombé sur de vieilles photographies de moi à l’époque où je jouais encore les jeunes premiers dans les salons londoniens. J’ai ressenti alors un étrange sentiment nostalgique. Je me suis également imaginé croiser votre route, discutant avec vous autour d’un buffet de petits fours. Cela aurait pu être une rencontre véritablement exquise.

Sachez que je suis flatté des efforts que vous avez déployés pour dénicher ce bijou. Peu de personnes auraient pu avoir une telle prévenance, encore moins pour une famille d’illustres inconnus. Je suis ravi de constater que les femmes de Londres semblent toujours aussi distinguées et raffinées. Si par bonheur vous avez une compagne à vos côtés vous devez être l’homme le plus heureux du monde.

Je suis entièrement de votre avis, mon cher monsieur Gray. Je trouve également que le parc de Regent’s Park et les magnifiques demeures qui l’entoure ont tout autant de charme que le quartier endiablé de Soho. Je suis ravi d’apprendre qu’elle est aussi vivante que lorsque je l’ai quittée.

Oh si seulement vous pouviez voir mon manoir. C’est un tel ravissement pour les yeux. Imaginez un écrin d’architecture d’un blanc immaculé au milieu d’une terre sauvage et désertique. Des bals organisés avec des familles bourgeoises dans un décor d’une luxuriante beauté. J’aime ma demeure presque autant que la ville de Thunder Mesa bâtie grâce à ma mine riche et prospère. Comme le dirait certaines, cela me peine de savoir que le passé ne peut être ranimé. Mais laissons ces pensées moroses de côté. Sachez seulement que vous tenez entre vos mains les dernières pépites que j’ai extrait de ma mine adorée. Mais vous Monsieur Gray de quoi sont faits vos rêves ? Quel prodige rêvez-vous de pouvoir accomplir ? Car derrière votre cœur aussi avenant que généreux, vous ne devez pas oublier de penser à vous.

Je suis heureux de savoir que vous avez reçu le tableau et que vous en êtes satisfait. Je vous avoue que je souhaiterais vous mentir et prétendre que je n’ai pas encore reçu votre versement. Cela me permettrait de pouvoir continuer d’entretenir cette si charmante correspondance avec vous. Mais en bon homme d’affaire que je suis cela serait un affront et indigne d’un parfait gentleman. Sachez donc que notre affaire est réglée et n’hésitez pas à m’écrire si jamais vous remarquez quelque chose d’étrange avec ce portrait.

Votre dévoué,

Henry Ravenswood

Mon bon ami Ravenswood

J'oses espérer que vous me pardonnerez cette salutation peu orthodoxe, mais en lisant votre lettre j’ai eu l’impression d’être devant un ami. Si cela vous dérange alors je m' excuse platement.
Un ami qui m’est proche trouverait sûrement à redire sur les formes de politesse trop formel et s’amuserait à vous saluer de toutes les façons possibles.

Sans vouloir briser votre rêve, si vous m’aviez croisé à cette époque, sûrement que vous ne m’auriez pas même jeté un regard. J’étais un jeune premier timidement maladif et peu philosophe. Vous n’auriez pas eu votre compte niveau conversation je pense.

Il est vrai que les femmes Londoniennes sont très au courant de la mode. Ce que je trouves dommage c’est qu’elles piquent toutes leurs idées aux Françaises. En tous les cas, je suis ravi que votre filles aie aimé le présent.

Je n’ai personne dans ma vie. Je.. Je ne saurais vous expliquer mais je tiens d’un très bon ami, une philosophie sur le mariage des plus particulière. Mais ce n’est pas de cela que nous devons parler. Cependant je me considère très heureux.

Je pense qu'elle (Londres) vous serait autant familière qu’étrangère. Le changement est lent, mais il se fait. Je suis cependant heureux de pouvoir partager mon amour pour cette ville avec vous.

Je ferme les yeux et j’imagine. J’imagine très bien, votre plume et votre verve me font regretter de ne pas pouvoir voir cela de mes propres yeux.

Mon rêve ? Je ne puis le partager avec vous, vous me prendriez pour un fou mais sachez qu’il c’est déjà réalisé.

Je vous comprends et ose donc vous demander une relation épistolaire.

Avec amitié.

D.G

Cher Monsieur Gray,

Mon cher ami,

Que voilà un bien étrange mot que celui-ci, ne trouvez-vous pas ? Ami… cela fait bien des années que personne ne m’avait appelé ainsi. Pour vous dire la vérité, j’ai été contraint Très peu de monde vient encre me visiter. Seule ma fille reste fidèlement en ma compagnie. Mon enfant et un être céleste qui tien à m’apporter son soutien dans mes moments de détresse. Oui un véritable ange, cela parait bien surnaturel n’est-ce pas ? Pourtant c’est bel et bien la vérité. Pour en revenir à ce que vous écriviez dans votre lettre je serais plus que ravi de pouvoir vous compter parmi mes amis. Sans doute d’ailleurs que je partagerais l’avis de votre compagnon. Nous avons sûrement une fâcheuse tendance à s’encombrer de pensées inutiles. Votre ami à l’air véritablement plein de sagesse.

Si ce que vous dites est correcte, il vaut peut-être mieux vous avoir rencontrer aujourd’hui. Certaines choses ont tendance à se bonifier avec le temps. Si vous m’aviez rencontré vous en auriez peut-être été grandement déçu. Je n’ai jamais été d’un tempérament timide et réservé mais il m’aurait été impossible de vous parler comme je le fais aujourd’hui. J’étais un jeune homme terrible incapable de tenir en place. Je me suis un peu assagi et ce n’est pas pour me déplaire. Mais dites-moi qu’est-ce qui vous a poussé à vous ouvrir au monde ? Est-ce cet ami dont vous parliez plus tôt dans votre lettre ?

Je peux comprendre que vous ayez souhaité rester célibataire. Parfois cela vaut mieux pour tout le monde. Je me suis moi-même marié plus par convenance que par ma propre volonté. Mon épouse, Dieu la bénisse, est morte dans un tremblement de terre qui a secoué la ville il y a plusieurs années de cela. Et bien qu’elle m’ait donné la plus belle et la plus adorable des enfants, nous n’avons jamais réellement su nous entendre.

Je vous en prie ne vous arrêtez pas. J’aime entendre toutes ces histoires sur votre ville adorée. J’aime savoir que la vie continuer ailleurs alors qu’elle semble s’être totalement arrêtée ici. Dites-moi quelles sont vos occupations ? Que faites-vous pour profiter allègrement de toutes les opportunités que peut offrir cette incroyable cité ?

Oh Dorian, ne me torturez pas avec cette pensée. J’aimerais beaucoup avoir la chance de vous rencontrer en personne, pour vous faire découvrir de vos propres yeux toutes ces merveilles que je décris dans mes lettres. Cela m’est malheureusement impossible. Si vous rejoignez Thunder Mesa, vous risqueriez fort de ne plus jamais pouvoir en repartir. De plus, vous ne pourriez qu’en être amèrement déçu. Croyez-moi, il vaut mieux vous en tenir à vos fantaisies.

J’attends votre prochaine lettre avec impatience mon cher ami. Je vais de ce pas demandez à mon serviteur de me fournir suffisamment d’encre et de papier. J’ai tellement de choses à vous faire découvrir.

Votre ami,

Henry Ravenswood