Sujet: My Sister's Crown [Winter] Dim 9 Avr - 19:07
My Sister's Crown
Sa relation avec Winter s’était apaisée. Cette brebis n’essayait plus désespérément de se libérer du joug de son berger. Sa place était à ses côtés. Le destin ralliera perpétuellement ses deux âmes. Storybrooke avait ouvert une brèche dont Kai ignorait son existence. Libéré de son aliénation et de son besoin mégalomane d’asseoir son pouvoir sur le monde, Kai avait emprunté un autre chemin, tout aussi chaotique d’une certaine manière. Winter, sous les traits de Summer, avait émergé au milieu d’une manifestions pour une quelconque minorité dont Kai n’avait que faire. Aussitôt, une partie de Kai, jusqu’alors insoupçonnée, s’éveilla. Incapable d’expliquer cette sensation, il était inexorablement attiré par cette femme. Aucune explication logique ne lui parvint. Tout ce qu’il savait, c’était qu’il la voulait elle, et uniquement elle. D’autres avaient tenté d’attirer l’attention d’Anderson, mais personne n’avait le même pouvoir d’attraction que cette femme insignifiante. Au grand de dam de Kai, elle enivrait ses rêves et ses pensées. Il n’avait jamais compris la raison de cette emprise sur lui… Sans ses précieux souvenirs, cette anomalie ne trouvait pas de réponse ! Désormais, craché dans sa véritable réalité, Kai comprenait. Tout était devenu limpide ! Depuis sa plus tendre enfance, il entretenait une certaine passion pour sa sœur. Passion, qu’il ne parviendra qu’à nourrir à Storybrooke, Winter n’avait jamais franchi certaines limites. Ses valeurs bataillaient contre les codes moraux instaurés par la société. Du son côté, la morale de Kai était totalement défaillante. Seuls, ses besoins primaient sur tout le reste. Son code de conduite n’était alimenté que par ses idéaux anarchiques. Positionné comme gourou, il apportait sa propre vérité. Ses partisans s’en abreuvaient. Ils ne luttaient pas contre la parole sainte de Kai. À leurs yeux ébahis et dénaturés, il s’élevait au rang de divin. Ils s’adonneraient à toutes besognes ingrates pour éviter de se couvrir d’ignominie pendant cette guerre sainte. La délivrance de ce déshonneur se fera par le sacrifice de sa propre vie. Par son sang, délivré de la puissance des ténèbres, rachetés et pardonnés de ses fautes, Kai les transportera jusqu’à son royaume. De belles paroles, que tous absorbent sans hésiter, croyant fermement à ce paradis. Pauvre agneau sacrificiel. Le divin n’avait que faire de ses ignorants.
Dans sa salle de bain, installé sur sa chaise de bar abaissée, il imbibait le blaireau d’eau tiède. Winter était légèrement en retard, sans doute à cause de Solal et de ses crises interminables qu’agaçait profondément Kai. Heureusement, sa mère parvenait à mater la plus terrible des tempêtes de son mari… Alors, adoucir les pleurs de son fils n’était qu’une étape enfantine. D’un mouvement circulaire précis et rapide, Kai montait la crème de rasage. Peu à peu, une mousse onctueuse et dense se formait dans le bol à raser. Habitué à cette méthode de rasage traditionnelle, Kai savait parfaitement le dosage d'eau chaude et de crème. Un dernier ajout d’eau et la mousse était fin prête ! Son aspect était proche d’une crème Chantilly. Toujours seul, il délaissa le bol à côté de l’évier et agrippa le coupe-chou. Muni d’un cuir à affûter, Kai affilait la lame du rasoir. Avec une légère pression à son manche, la lame glissait le long du cuir. Arrivée à l’extrémité de la bande de cuir, il pivotait la lame et repartait dans l’autre sens. Un léger grattement s’entendait au passage de la lame sur le cuir.
« Tu es en retard. » Sa voix grava s’éleva depuis la salle de bain lorsqu’il entendit la porte de sa chambre claquée. Sa sœur était là. Le coupe-chou se stoppa net dans sa course incessante de va-et-vient. Aussitôt, la lanière de cuir finit sa course dans l’évier. Ce geste démontrait l’agacement de Kai. « Je ne compte pas refaire la même chose que l’autre fois, Winter. Tu m’es trop précieuse dans ce monde pour que je fasse à nouveau cette erreur. » Sa voix était posée et calme, teintée d’une certaine impatience. Toutefois, une véritable sincérité émanait des propos de Kai. Certes, il lui avait déjà avoué plus d’une fois qu’il ne referait pas cette stupidité, Kai restait imprévisible. Les précautions étaient de mise ! Dès qu’elle apparut sur le seuil de la porte, Kai esquissa un sourire. « Tu m’as toujours rasé. Que ce soit à Storybrooke ou même avant ta mort, Winter. Tout ce je veux, c'est rattrapé le temps perdu avec ma petite soeur. Rien d'autre. » Kai lui tendit la poignée du coupe-chou, l’invitant à la tenir. Cette fois-ci, Kai ne comptait pas couper ses cheveux. Pour l’instant, son crâne rasé lui rappelait une amertume qu’il avait du mal à digérer. Démuni de la lame, il reprit son bol et commença à étaler grossièrement sa mousse à raser sur son visage. « Qu’est-ce qui t’as retenu ? C’est notre fils ? » Légèrement plus piquante, sa voix claqua sèchement. La patience de Kai avait ses limites et il valait mieux ne pas les franchir. Son regard glacial sondait les mimiques de sa sœur.
Au départ, ce n’était que des œillades, des sourires discrets. Winter n’avait jamais pris soin de les relever puisqu’elle pensait que ce n’était que de la simple paranoïa de sa part. Vivre avec Kai, c’était être constamment sur le qui-vive, être dans l’obligation de faire attention à tout, de tout surveiller et de ne jamais prendre pour vérité ce que les autres disaient. Tout était à remettre en cause, sauf les paroles de leur dieu. Winter sut qu’elle n’affabulait pas quand les gestes discrets se transformaient en catcalling — des mots lancés avec une fausse innocence, des mots se transformaient en phrases au gré du temps pour tisser au final une conversation qui n’en était pas vraiment une puisque la jeune femme se contentait de répondre par « Si j’étais toi, j’arrêterais tout de suite c’que je suis en train de faire, ça plairait pas du tout à Kai s’il passait par là. » En général, ça calmait celui qui avait été renommé Rubber Band par le Divine Ruler. Mais, comme tous les incels de son genre, il prit malheureusement les rejets successifs de Winter pour de la provocation — des non qui voulaient dire oui au fond. Ses refus l’excitaient et Winter avait de plus en plus de mal à le repousser. Elle ne savait pas ce qu’elle attendait pour alerter son frère au sujet de la déviance d’un de ses hommes — la peur, l’angoisse, le fait d’être réduite au silence malgré elle. Après tout, il n’avait pas honte de lui dire après chacune de ses micro-agressions : « Tu crois vraiment que le Divine Ruler va te croire toi, une femelle, plutôt que moi, un homme, biologiquement et naturellement au-dessus de toi ? T’es vraiment trop conne. » Il s’en allait à chaque fois en se gaussant, ce qui mettait Winter dans une rage profondément folle. La seule chose qui l’arrêta, ce fut cette fois où il avait coincé la jeune femme dans la cuisine et que Kai avait failli les surprendre. Winter avait dû inventer une excuse dans la panique, mais connaissant son frère, elle doute du fait d’avoir été crue.
Ce presque incident eut au moins le mérite de permettre à Winter d’avoir enfin la paix. Enfin… C’était ce qu’elle crut naïvement. Plusieurs semaines après l’incident, Rubber Band revint à la charge, toujours dans la cuisine, alors qu’elle était en train de préparer le repas pour son frère et son fils. Vicieux, il pénétrait dans la pièce alors que Winter feignait de ne pas l’avoir vu. L’angoisse montait en elle, et lui ne trouvait rien de mieux que de se planter en face d’elle, le rire gras, se jouant de cette panique qu’il avait distillé : « Bein alors Winter… T’as quoi ? On t’entend pas. » Couteau à la main, elle lui envoyait un regard assassin : « Dégage. Me les casse pas, j’ai autre chose à foutre que de m’occuper de ton cerveau atrophié. » Elle reculait, faisant le tour du plan de travail à reculons quand Rubber Band s’avançait vers elle. « Bein alors ma belle, on mord ? On est mal baisée en ce moment ? C’est pour ça que t’es toute chafouine ? C’est vrai qu’on t’entend plus trop gueuler ces temps-ci… » Winter blêmissait suite à sa remarque, se rattrapant à un meuble puisqu’il commençait à être vraiment trop proche d’elle et qu’il la surplombait de toute sa hauteur. Il était vrai que, en ce moment, quand Kai venait la rejoindre dans sa chambre ou quand il la réclamait, elle se contentait de faire vraiment le minimum syndical, histoire de ne pas éveiller trop de soupçon chez son frère (tant qu’il était satisfait…), puisqu’elle avait la tête complètement ailleurs, c’est-à-dire dans ses problèmes avec Rubber Band. « Ferme-là ! » scandait-elle tandis que son assaillant lui coupait presque la parole. « J’peux arranger ça, tu sais. Vite fait. Je sais que le Divine Ruler est en haut. Ça sera notre secret. » Avant qu’il ne se jette sur elle, elle eut simplement le temps de riposter avec un « Il va te fumer ! » vociférer avec colère. S’en suivit une empoignade absolument abominable où Rubber Band n’avait qu’une seule idée en tête : se la faire. Winter se débattait de toutes ses forces, s’apprêtait à hurler le prénom de son frère pour qu’il lui vienne en aide, mais ayant senti le coup venir, l’homme couvrait sa bouche de sa main tandis que l’autre tentait de se frayer un chemin sous sa jupe. Au lieu de la condamner à l’inaction, la peur et la rage de Winter lui donnaient l’énergie nécessaire de se battre et de s’extirper de cette poigne qu’il la retenait prisonnière. Dieu seul sait comment (peut-être grâce à un coup dans les parties) elle parvint à se libérer assez rapidement. Secouée par cette altercation qui aurait pu très mal finir pour elle, Winter vomissait sa fureur sur son agresseur : « Sale malade mental, j’vais tout dire à Kai ! » Bien que frustré de ne pas être arrivé à ses fins, l’autre lui riait au nez : « Il va même pas te croire, sale conne ! T’as vu comment t’es fringuée !? Normal qu’on te saute dessus ! T’as jamais rien dit et tu vas encore rien dire, t’aimes ça au fond, sale garce. » Courroucée, Winter lui lança un doigt d’honneur en ajoutant « Espèce de petite bite, grosse merde ! » avant de fuir de la pièce. Elle récupérait son fils au salon, pour s’enfermer dans sa chambre avec lui, le serrant de toutes ses forces dans ses bras pour se consoler et se remettre de ses émotions. Elle refusait de pleurer, ne voulant donner aucune de ses larmes à ce connard qui aurait bientôt son compte de réglé.
Berçant son fils qui ne comprenait pas grand-chose à la situation alors que quelques minutes avant il jouait avec ses cubes, Winter se souvint soudainement qu’elle avait quelque chose à faire, une fois quelque peu remise de ses émotions : elle devait s’occuper de la barbe de son frère. « Merde, merde, merde… » répétait-elle en boucle après avoir consulté l’heure sur ton téléphone : elle était en retard de trois minutes quarante-sept secondes. Avec précipitation, elle laissait Solal dans son parc avec quelques jouets et de quoi gribouiller afin de tromper son ennui. « Maman revient, mon cœur. » Elle embrassait son front et filait à toute vitesse dans la salle de bain dans laquelle Kai l’attendait. « Tu es en retard. » Bien évidemment qu’il le remarquerait. « Désolée. » répondait-elle mollement alors que Winter tentait par tous les moyens de dissimuler son trouble que Kai interprétait visiblement comme un stress passager lié aux événements tragiques qui eurent lieu entre eux, dans cette même salle de bain, il y a quelques années. Sans un mot, Winter attrapait le coupe-chou et s’attaquait, avec la plus grande des délicatesses à la joue gauche de son frère. « Tout ce je veux, c’est rattraper le temps perdu avec ma petite sœur. Rien d’autre. » Elle aussi. Winter ne s’était jamais étendue sur le sujet, mais elle aimait bien ce genre de moment passé avec Kai. Ça l’apaisait, lui donnait l’impression pendant un instant d’être hors du temps et de leurs problèmes — et dieu sait qu’il y en avait un paquet ! Mais voilà… Il fallut que Kai parle des sujets qui fâchent : la raison de son retard. « Non… Il est sage ce soir, il fait ses gribouillages tranquille. » Machinalement, Winter se débarrassait de l’excédent de mousse sur la serviette qu’elle avait soigneusement posée sur les épaules de Kai. « J’ai juste pas vu le temps passer, j’étais… occupée en cuisine. Je crois que je me suis lancée dans un plat trop compliqué. » Bref sourire ; faux rictus. Winter reprenait ses gestes maitrisés contre la joue de son frère, possédé par un léger tremblement qui n’impactait pas le rasage, mais que l’œil aiguisé de Kai remarquerait sans l’ombre d’un doute. « Je suis juste un peu fatiguée, t’en fais pas. » Winter était si concentrée qu’elle ne remarquait même pas qu’elle était en train de pleurer. Ses larmes roulaient, en effet, silencieusement et machinalement contre ses joues alors qu’elle se débarrassait une nouvelle fois de la mousse avant de s’occuper du menton de son frère, lui volant un baiser au passage.
Ignorant complètement les événements entre l’un de ses fidèles et sa sœur, Kai s’imaginait que cette appréhension venait de cette tragédie. Malgré un certain agacement de sa part, l’ambiance n’était pas aussi pesante que l'autre fois. Son apathie inhabituelle éveillait les sens de Kai. Diverses interrogations se soulevaient. Quel état la cause de ce mal ? Étant donné son caractère impulsif, il n’était pas exclu que Kai soit la cause de son inconfort. Toutefois, depuis leurs réconciliations, Kai ne s’était pas montré odieux ou même féroce. Le ton était monté quelques fois, mais rien d’anormal. Des disputes banales sans une quelconque gravité qui étaient rapidement étouffées le soir même quand Kai passait la nuit avec sa sœur. Routine habituelle chez les Anderson. Peut-être que les propos misogynes et extrémistes de son frère l’avaient affecté ? Non, elle y était habituée. Les mots de son frère n’avaient jamais été doux. Il n’était pas là pour être tendre. Il était là pour amener le chaos sur le monde, ceci était sa mission divine. Plus son esprit détaillait le déroulement de ces dernières semaines, plus la cause potentielle de ce comportement lui échappait. Peu de possibilités s’offraient à lui ! S’il n’était pas le déclencheur de cet état, autre chose provoquait ce mal-être en Winter. D’ordinaire peu soucieux avec les autres, sa possessivité émergeait brutalement. Qu’il abuse de Winter était une chose, mais qu’un autre ose lui faire un quelconque affront… Ça, c’était un comportement qu’il ne tolérait en aucun cas ! Lui seul avait cette permission. Le ciel se couvrait d’épais nuages. Le courroux du divin bouillonnait. Une tempête se préparait au sein de Kai.
Kai ne bougeait pas. Il se contentait de fixer intensément son reflex dans le miroir en face de lui. La lame parcourait avec douceur sa peau. Winter s’appliquait. Son sourcil s’arqua. Solal était innocent. Qu’était-il arrivé à sa sœur ? Les gribouillages de son fils avaient tendance à lui arracher un sourire moqueur. Ce n’est pas avec de telles œuvres que Solal accomplira la volonté de son père. « Je croyais que le soir, il aimait jouer avec ses jouets ? C’est ce que tu m’as toujours dit. » Ce n’était pas une loi universelle. Solal était un être vivant et ses besoins s’altéraient avec le temps, mais il avait adopté cette routine. Contrairement à Ally, qui s’évertuait à faire des sandwichs à Kai, Winter tentait de s’adonner à des plats plus compliqués, plus raffinés. Attention qui ravisait les papilles gustatives du Souverain Divin lorsque le plat était correctement réalisé. Comme unique réponse, il lui offrit un léger sourire. Du coin de l’œil, il l’observait. Son non-verbal le fit froncer des sourcils. Winter lui cachait quelque chose. Elle était différente depuis quelque temps. Kai l’avait relevé, mais ne lui en avait jamais fait part. Il avait toujours incriminé sa condition de femme ainsi que son émotivité, d’où le fait qu’il insiste sur leur incompétence à diriger. Mensonge ! Terrible mensonge ! La fatigue n’y était pour rien. Elle savait que c’était peine perdue face à Kai… Pourquoi tentait-elle de cacher la vérité à son frère ? La musculature de ses épaules ainsi que celle de son cou se raidirent. Tendus, ses muscles étaient parfaitement sculptés. On pouvait apercevoir chaque strie, chaque fibre se contracter. Sa mâchoire se crispa également. Il avait été clair avec elle ! Le mensonge était prohibé entre eux ! Son baiser le radoucit quelque peu. L’espace d’un instant, il la retrouvait enfin. Malheureusement, ses larmes ternirent ce moment. La vérité était injustement captive… La colère de son Dieu grandissait. Du ciel, elle s’abattra et toute injustice et impiété sera lavé. « Winter… Pourquoi, j’ai l’impression que tu ne me dis pas toute la vérité. » Kai se renfrognait. Un profond soupir s’éleva, il évacuait la pression qui s’emmagasinait en lui. « Je connais chacune de tes mimiques… La façon dont tu ouvres grand les yeux quand tu as quelque chose à me cacher. Ou quand tes larmes roulent le long de tes joues en silence quand tu n’arrives plus à canaliser les angoisses qui te terrorisent. » L’attitude de Kai changea. Dès qu’il sentit la lame s’éloigner de son visage, sa main attrapa férocement le poignet de sa sœur. Ses yeux, assombris par sa furie, se plantèrent dans les siens. L’intensité de son regard en ferait pâlir plus d’un. Sa poigne était douloureuse. « Tes tremblements ne m’ont pas échappé. Tu penses pouvoir te cacher de moi ? Tu sais pourtant que c’est peine perdue, Winter. » Sévèrement, il la réprimandait. Sa main se desserra. Son pouce appliquait de légères caresses sur sa peau meurtrie. Face à elle, il ne la quittait pas des yeux. « Tu croyais que ton petit jeu allait tenir indéfiniment ? Je couche avec une putain d’étoile de mer depuis quelque temps. » Kai étouffa un rire amer. Il n’était clairement pas amusé par la situation. « Tu pensais pouvoir me le cacher aussi ? Je te l’ai dit : je te connais… » Abandonnant son poignet, sa main s’aventura sur sa joue, chassant les sillons humides de ses larmes. « Si ce n’est pas moi qui te mets dans un tel effroi. Alors, qu’est-ce qui t’effraie ? Au point d’accaparer toute ton attention quand tu es avec moi ! » Sa voix était teintée d'une jalousie excessive. Kai lui épargnait le Rituel du Petit Doigt. Un gage de sa confiance envers sa sœur.
Encore une fois Kai acculait Winter. A juste titre. Au pied du mur, elle ne pouvait plus fuir son frère. Comme si elle avait les moyens de le faire de toute façon ! Kai incarnait parfaitement sa fonction de dieu — il était omniscient. Même quand il n’était pas sur les lieux, il voyait tout, savait tout. Il était passé maître dans l’analyse du non verbal, de ces petits gestes qui vous trahissaient malgré vous, même quand vous étiez dans le contrôle le plus total. Il y avait toujours des fuites. Le cerveau était un engin mystérieux où l’inconscient prenait toute la place. Il la sortait de sa torpeur quand il attrapait avec une poigne plus que ferme son poignet. Et voilà les grands yeux dont il parlait — Winter était un lapin pris dans les phares d’une voiture. Elle était écrasée par l’aura de son frère. Il savait depuis le début que quelque chose n’allait pas chez elle depuis un moment. Elle pâlissait à mesure qu’il déroulait son récit. Bien entendu qu’il saurait. Il était dieu. Et surtout, ils étaient profondément connectés sur tous les plans. Si Kai allait mal, Winter aussi. Si Winter allait mal, Kai aussi. Une loi marquée dans le marbre. Une loi à laquelle ils ne pouvaient échapper.
En revanche, elle s’apaisait quand il relâchait son poignet et caressait avec subtilité ses joues. Un geste qui l’entrainait inévitablement à faire confiance à son frère pour se confesser. « Je voulais pas te le dire, parce que je pensais que c’était futile au départ et que ça allait se régler tout seul. » Winter renifle. Winter reprend avec soin le rasage des joues de son frère, veillant à n’oublier aucun poil rebelle. Elle glissait la lame du coupe-chou sur son cou. Pendant un instant, elle rêvait d’avoir Rubber Band entre ses mains et de l’égorger. D’un coup sec. Avec violence. Cette fantaisie lui arracha un délicieux frisson qui courrait le long de son dos. Son regard croisait celui de Kai. Elle ne savait pas bien par où commencer. « Au départ, c’était juste des mots. Des regards. J’y prêtais pas attention parce que j’avais franchement autre chose à faire. Et je pensais surtout que c’était moi qui psychotais pour rien. » Elle essuyait la lame contre la serviette. La joue gauche et le menton désormais fini, Winter s’attaquait à l’arc de cupidon de son frère puis de sa joue droite. « Puis il a commencé à devenir de plus en plus insistant et je savais pas comment m’en débarrasser. Le seul truc qui le freinait, c’était de dire que t’allais le fracasser si tu l’apprenais. » Winter tournait autour du pot. Parce qu’elle ne voulait pas nommer ce qu’il lui était arrivé. Parce qu’elle ne voulait pas donner forme à son traumatisme en l’encrant dans le réel avec le verbal. Elle confrontait de temps à autre le reflet de Kai dans le miroir. Il ne lui restait plus grand-chose à faire. « Il minimisait trop le poids de ma parole auprès de toi, disant que tu me croirais pas parce que ma voix de femme valait rien comparé à la sienne. » Joue droite terminée. Winter essuyait les siennes du revers du poignet avant de nettoyer la lame du coupe-chou dans le lavabo. « Une fois, t’as failli l’attraper la main dans le sac. Je me suis sentie soulagée quand je t’ai vu arriver. » Elle adressait un vague sourire à Kai à travers le miroir avant de se renfermer. Elle attrapait un gant qu’elle mouillait pour débarrasser les joues de son frère des quelques traces de mousse qui restaient. « Mais je sais pas pourquoi… J’ai paniqué. » Les mystères du cerveau. « Quand t’es arrivé, j’ai repensé à ce qu’il m’avait dit, que ma parole valait rien, alors j’ai inventé un truc… » Elle attrapait une serviette propre et essuyait les joues de Kai. « Mais je crois pas que tu m’aies cru. C’était gros, en même temps. Mais je voulais pas t’ennuyer avec des problèmes de seconde zone. » Dans l’armoire à pharmacie, Winter attrapait l’après-rasage. Elle en versait dans sa main avant de l’appliquer délicatement sur la peau de son frère. « Après que t’as failli le griller, ça s’est calmé… Jusqu’à ce soir. » Si ses pleurs s’étaient brièvement arrêtés, il reprenait soudainement, perlant les joues de Winter de gouttes sombres — son maquillage commençait à dégouliner.
Elle arrêtait avec l’après-rasage, fixant Kai — elle cherchait du réconfort dans son visage, dans son regard, aussi froids soient-ils. Le simple fait d’être à ses côtés, si proche, lui permettait de se sentir en sécurité et surtout écoutée. « Il m’a acculé dans la cuisine, pendant que t’étais là, dans la salle de bain… Si j’avais pas réussi à me libérer, il m’aurait… » Violée. Secouée par un sanglot, elle n’arrivait pas à dire le mot tant la réalité qu’il sous-entendait l’ébranlait. « J’aurais dû te le dire… J’ai pas… » Elle baissait les yeux, écrasée par un sentiment de culpabilité qu’elle ne devrait pas ressentir comme elle était une victime dans cette histoire. Elle s’essuyait les mains dans la serviette pour ensuite attraper celles de son frère. « C’est dur d’être la seule femme ici, Kai. » confessait-elle, démunie.
Acculée, elle n’eut d’autre choix que d’avouer ses tourments. Kai reprit sa place. Regard tourné vers le miroir. Sa tête ne bougeait pas, l’invitant à poursuivre son soin de barbe. Kai se contentait de l’écouter. Inévitablement, elle tournait autour du pot. Ses sourcils se froncèrent. Ses agissements nourrissaient son agacement. Kai s’était montré conciliant, mais sa patience s’écourtait extrêmement rapidement. « Au départ, c’était juste des mots. Des regards. » Profond soupir. Immédiatement, Kai savait où s’orientait la discussion. Winter allait prôner des valeurs féministes et une égalité au sein de la secte. Des aberrations dont il n’avait que faire ! Fatalement, il était si loin du compte… Il était loin de se douter, qu’un de ses fidèles partisans avait osé empiéter sur son territoire. Le coupe-chou se faisait plus insistant au niveau de son cou. La pression de lame sur sa chair était plus accentuée, plus franche. Que cherchait-elle ? À l’intimider ou à nourrir un fantasme enfoui en elle ? Furibond. Ses iris la toisèrent, l’avertissant de ne pas continuer sur ce chemin dangereux. D’elle-même, elle se ressaisit. Kai ôta cette emprise visuelle. Quant à la discussion, elle prenait une tournure totalement différente. Alors que Kai croyait que sa sœur allait imposer sa vision féministe sur la place de la femme au sein de sa secte, la réalité en était toute autre. La surprise le gagna, se distillait dans son ire grandissante. Vainement, il tentait de contenir les émotions qui le submergeaient, de rester impassible face à la situation. Ses pupilles et les muscles de son visage le trahissaient. Tendu. Crispé. Il était en alerte.
Effectivement, Kai se rappelait de cette tension lorsqu’il était rentré dans la cuisine, ce jour-là. Rubber Hand avait fui la scène sans piper mot. Quant à Winter, elle avait servi une excuse à son frère. Pathétique. Minable. Ses mots n’avaient pas fait mouche. Les doutes étaient déjà bien présents. Aujourd’hui, cet épais brouillard se dissipait, offrant à Kai la clarté tant désirée. « Je ne voulais pas t’ennuyer avec des problèmes de seconde zone. » Ses mots raisonnaient dans son esprit. De seconde zone ? Depuis Storybrooke, Winter avait gravi plusieurs échelons ! Kai était à cheval sur ça. Rien ne pouvait arriver à Winter... Sa sœur était à lui et uniquement à lui.
Toujours hermétique. Froid. Kai en oubliait même les soins qu’appliquait Winter sur sa peau. Son esprit divaguait. Il imaginait la manière dont il abattrait cet enfoiré. Au fond de lui, il n’était qu’un magma brûlant ne souhaitant qu’une chose : se déverser et annihiler toute vie sur son passage. Kai n’offrit aucun réconfort à Winter. Odieux et glacial personnage. « Il m’aurait… »« Violée. » La voix de Kai émana cassante. Aucune pitié. Son nom. Son titre honorifique et divin. Son autorité. Tout avait été bafoué ! Il ne pouvait tolérer un tel comportement ! Il n’y avait aucun mot pour décrire la rage qu’éprouvait Kai. Les mains de sa sœur ne parvenaient pas à éteindre ou à amoindrir le feu destructeur qui le consumait. « Winter… » Finit-il après souffler. « Je ne comprends pas. Tu ne me fais pas assez confiance ? Tout ce qu'on a vécu à Storybrooke et ici ne vaut rien à tes yeux ? Pourquoi m’avoir caché ce secret ? Ta parole a toujours eu plus de valeur. Tu le sais… » Sa voix s’éteignit, faussement attristée. Sa tête se baissa sur ses mains qu’il enserrait délicatement des siennes. « C’est donc ça ? Tu préfères obtenir les faveurs d’un autre ? Toute notre histoire n’a aucune valeur pour toi ? TU T’ÉLOIGNES ENCORE !? » Cracha-t-il avec véhémence. Kai se redressa vivement la bousculant au passage. Sa main bazarda avec violence le linge sur ses épaules. « TU VEUX ME NUIRE ?! TU VEUX DÉTRUIRE TOUT CE QUE J'AI CONSTRUIT !? »[/i] Dans un énième accès de colère, il fit valdinguer le bol à raser, qui implosa sous le choc. « UNE TELLE ERREUR ! UNE TELLE FAUTE ! COMMENT ? » Toujours aussi furieux. Cette fois-ci se fut au tour de la chaise de subir sa furie. « Tu es à moi ! À MOI ! Y A QUE MOI QUI TE BAISE ! Putain. » Kai tenta de se ressaisir. Le coupable n’était pas Winter. Elle n’était qu’une victime de ce connard. Il en avait été témoin une fois. Il ne pouvait pas remettre en cause la parole de sa sœur. Les preuves étaient là ! « Winter. » Lâcha-t-il en passant ses doigts sur son visage suivi d'une profonde expiration.
Kai se rapprocha d’elle. Son état lamentable l’adoucit. Ses bras l’enlacèrent et la pressèrent contre lui. « Winter. » Sa tête se posa au-dessus de sa sienne. « C’est Rubber Hand qui a tenté de violer ? Est-ce d’autres ont essayé de te toucher ? » La vengeance se planifiait peu à peu dans son esprit. « Tu aurais dû me prévenir, Winter. Il a blasphémé mon Nom et mon autorité ! Personne n’a le droit de te toucher… Personne n’est au-dessus de mes lois ! Je veux tout savoir, Winter ! Chaque caresse. Chaque attouchement. Chaque regard. Dis-moi tout ! Il t’a souillé... Alors que tu dois rester pure ! »
