(Benedict) dessine-moi un mouton

w/   @Benedict Q. Kenney

Comme il est paisible de se retrouver un peu avec soi-même. Moon appréciait ses fins de journée où elle avait quasiment toujours le même rituel. Lorsqu’elle avait fini ses cours à la fois d’astronomie, de dessin ou d’arts martiaux (quand la jeune femme se décidait à y aller), elle aimait aller se prélasser avec sa chienne à l’étang La louve la suivait quasiment partout, de taille aussi imposante que sa maitresse pour dissuader quiconque de venir lui parler. Bien qu’étant une âme esseulée qui rêvait de trouver quelqu’un pour combler le vide qui l’emplissait. Seulement pour établir le premier contact, cela pouvait s’avérer rocambolesque. Voire impossible. Alors qu’elle était passée se chercher une pâtisserie, elle se posa sur son banc et commença à regarder les passants. Son carnet dans une main, la chienne couchée à ses pieds sans laisse, la rousse laissait son regard saphir dériver vers la population humaine. Certains se tenaient la main. Elle penchait la tête, se demandant quelle sensation l’on pouvait éprouver à pareil geste. Certes, elle avait déjà tenu la main d’un garçon en la personne d’Orion mais il s’agit de son meilleur ami. L’intérêt romantique représentait une véritable inconnue dans l’équation que demeurait Moon. Lorsqu’elle eut englouti le cupcake, elle fouilla dans sa besace qui semblait contenir l’équivalent de sa vie avant de sortir son fusain. Le bout de ses doigts était hélas toujours tâché. Elle remua un peu les lèvres avant de laisser son regard vagabonder pour choisir sa cible. Un homme d’âge mur était dans la même posture qu’elle. Donc, elle s’amusa à esquisser ses traits. Le contour de son visage. Une mèche de cheveux s’échappa de son chignon pour lui barrer le chemin. Elle ne sut combien de temps elle demeura dans cette position. Statufiée, comme si dans le fond, elle n’était pas réelle. Mais les traits de l’homme se dessinaient sous ses coups de crayon avant de se décider à orner son dessin de sa signature.

Des étoiles.
Toujours des étoiles.

Puis, elle déplia ses longues jambes, passa sa besace en travers de son buste avant de tapoter sa cuisse. Signe que sa chienne devait la suivre. Ce que Lou fit. Accompagnée du gigantesque animal, elle se dirigea vers l’homme qui l’avait inspiré avant de lui tendre le dessin sous le nez. « C’est pour vous. » Son regard rencontra celui de l’inconnu et elle eut un fin sourire sur les lèvres. « Ne me demandez pas pourquoi je vous ai choisi. Souvent, c’est un détail qui retient mon attention. Là, je dirai que ce sont vos yeux qui sont aussi songeurs que les miens. » Sa franchise, son manque de tact. Elle resta ainsi plantée, sa mèche folle, son loup qui fixait l’inconnu avec méfiance. Ne se doutant pas qu’elle risquait de l’offusquer.

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Moon aimait bien se retrouver toute seule. Non pas qu’elle haïssait la compagnie de ses pairs car son âme réclamait ardemment quelqu’un pour combler le vide au cœur. Mais elle s’ennuyait. Peu de personnes- à part Orion- était en mesure de la comprendre. Elle se retrouvait souvent affublée de surnoms tous plus humiliants les uns que les autres. La sauterelle, la cinglée, la lunatique… Alors si au départ, le mépris de ses congénères avait eu le don de la blesser, elle avait vite appris à se détacher. Quand on grandit dans un orphelinat et que l’on fait une tête de plus que tout le monde, passant son temps, perchée dans les arbres à dessiner, il faut apprendre à aller de pair avec la solitude. Puis la tristesse était si proche de la colère et pouvait corrompre une âme jusqu’à la grignoter dans son entièreté. Elle les voyait les gens méchants et souvent, elle se retrouvait à prendre le bâton pour se dresser contre eux. L’injustice, l’incompréhension, voilà ce qui pouvait faire virer notre si douce lune en quelque chose d’un peu plus volcanique. Une sorte de face cachée qu’une seule personne avait eu le courage de déceler.

Bien qu’elle appréciât Orion, son énergie et sa passion pour son télescope. Elle avait aussi besoin de moment à elle. La rouquine continuait de croire que si elle restait sur un banc, peut-être qu’une âme arriverait à attirer la sienne pour la faire évoluer ? Mais aujourd’hui ne semblait pas être propice à ce genre de diatribes. Donc, elle prit son fusain et commença à fureter. Son regard s’attarda sur un homme qui semblait en paix avec lui-même. La jeune femme admirait cela. Donc elle le dessina. On ne saurait dire combien de temps cela pris. Quelques aller-retours de la part de sa chienne pour revenir quémander l’affection bienveillante de sa maitresse avant que cette dernière ne daigne se déplier et avancer.

Les conventions sociales n’ont jamais été son fort. Dans sa tête, elle voulait lui donner son œuvre. Jamais, elle n’aurait pensé interrompre quelque chose. Un bonjour aurait été le bienvenu. Mais, vu qu’elle ne pensait pas rester. Cependant la surprise qu’elle crut lire sur les traits de son nouvel interlocuteur la mit dans un certain embarras. Elle arqua un sourcil avant de passer une main dans ses cheveux. « Je ne mens jamais. » Ce qui était vrai. Elle en était incapable. Les informations sortaient de sa tête comme elle les pensait. Sans analyse préalable. Non pas qu’elle ne fut pas capable d’empathie. Mais disons qu’elle ne réfléchissait pas beaucoup à ses paroles. « En tout cas, je vous remercie pour le compliment, salua-t-elle avec un immense sourire. » Le reste la surprit. Moon était habituée à être chassée voyez-vous. Alors que l’homme aux yeux bleus lui propose de venir s’asseoir à ses côtés la désarçonnait quelque peu. « Avec plaisir. Je m’appelle Moon et voici… euh… » Elle redressa le nez, rompant le contact visuel pour chercher sa chienne qui avait jugé bon de partir en découverte. « Si vous voyez un chien-loup c’est le mien. Lou. Je sais très peu original mais ça lui va bien. » Ainsi avec une certaine douceur, elle prit place face à son modèle alors qu’elle capturait de nouveau son regard. Elle était ainsi notre chère lune, nulle peur de regarder quelqu’un dans les yeux. « Je ne suis pas si généreuse vous savez. Disons que je… comment dire… j'ai agi sous le coup de l'impulsion. » Elle haussa les épaules avant de se pencher sur la nourriture. « ça vous arrive souvent de venir ici ? Navrée, je suis bavarde mais souvent on me repousse. Les gens ne m’apprécient pas énormément. »
 

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Elle était souvent seule, la petite Moon. Enfin. Petite. L’immense perche qui fixait souvent le ciel comme s’il détenait toutes les réponses. Certes, elle avait appris à se socialiser en la présence d’Orion mais il était l’exception. Concernant les autres, c’était une affaire délicate. Étant incapable de formater les données qu’elle avait dans le cerveau, la jeune femme demeurait d’une franchise déconcertante. Si on oubliait sa tendance à toucher tout ce qui bouge sans forcément avoir la permission. Toucher sans aucune allusion sexuelle car pour elle, l’acte était aussi mystérieux que l’amour en lui-même. La solitude qui étreignait son cœur était telle qu’elle se demandait parfois si sur cette planète, il existait quelqu’un capable de la comprendre. Ou même de l’accepter comme elle était. Donc il n’était pas rare de croiser la jeune femme à la chevelure incendiaire avec un air mélancolique sur le visage. Les larmes, elle les gardait pour quand elle était seule le soir. Avec Lou. Orion ne savait pas, personne. Et c’était mieux ainsi. Évidemment qu’elle devrait aller voir un psychologue pour cette dépression ou ce sentiment d’isolement qui persistait. Mais la jeune femme repoussait sans cesse l’échéance. Voir ses amis se faire adopter les uns derrière les autres à l’orphelinat, le rejet de ses pairs, faisait qu’elle ne désirait plus vivre dans un monde où l’exclusion était son quotidien.

Alors qu’elle se trouvait face à Benedict, la jeune femme se rendit compte qu’elle interrompait quelque chose. Et donc qu’elle avait encore agi sans réfléchir. Ainsi donc, elle se pinça la lèvre avant de voir que sa chienne avait déserté une fois de plus. « Ne vous inquiétez pas, elle reviendra. Et puis un chien de la taille d’un poney, ça se remarque assez vite. » Elle avait dit ceci d’une voix assez douce, sans brusqueries. Un véritable paradoxe à elle toute seule puisqu’elle avait eu une approche un peu brutale. Ainsi, Moon prit place en face de Benedict pour le regarder de ses grands yeux bleus et avec son immense sourire. Elle était ainsi la jolie rousse, même si son cœur était mélancolique, son humeur était toujours solaire. La peur et la tristesse menaient vers un chemin assez sombre. Et cette partie qui étreignait son myocarde ne regardait qu’elle. Elle se penche un peu pour fixer les mets que Benedict avait mis à son profit avant de prendre du sucré. Elle n’était pas adepte du salé de toute façon. « Oh attendez. » Elle fouillât dans son sac. Il y avait un bazar là-dedans avant d’en sortir des viennoiseries qu’elle avait toujours sur elle. « Je les prends toujours par trois au cas où Orion viendrait se joindre à moi. » Elle avait lancé ceci comme si l’homme en question saurait qui est Orion. « C’est mon meilleur ami. Bon il est pas là donc je vous l’offre. » Un muffin, c’est toujours bien comme cadeau pour lier une amitié non ? « Le troisième est pour Lou. Elle aime bien les myrtilles. » Comme si son chien faisait partie intégrante de sa petite famille dysfonctionnelle. Elle se mit en tailleur avant de réfléchir un peu à la question de Ben. « Je viens pour… pour voir les gens amoureux. Ça me fascine ce genre de comportement. Et comme je suis bizarre, je suis tout le temps seule. Donc, je les regarde et je les dessine. » Elle eut une légère grimace. « Je dois vous sembler encore plus étrange. Mais voyez-vous, l’amour ou même le comportement social qui en découle est une énigme pour moi. Et j’ai pas vraiment les codes sociaux pour être en public. Donc… » Elle eut un haussement de sourcils alors qu’une ombre se profilait à l’horizon. Le mastodonte qui lui servit de chien vint à leur rencontre avant de venir se poser près de sa maitresse. « Voici Lou. » La chienne jugea Benedict avant de venir se coucher, posant sa tête sur la jambe de sa maitresse qui la caressa avec un air bienveillant. « C’est rien qu’elle et moi. Mais vous je suis sure que vous avez quelqu’un. Ça se voit dans votre regard. Vous avez l’étincelle. » Celle qui ne s’était pas encore allumé dans ses yeux. Mais qui ne saurait tarder. Il fallait juste être patiente.

 

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La jeune femme parut surprise alors que Benedict lui parla d’Orion en retour. Elle eut un petit sourire, comme à chaque fois que l’on évoquait son ami avant de voir que la personne qui se trouvait en face d’elle, était vraiment bienveillante. « Je ne dirai pas que je l’ai choisi comme amie, répondit-elle pensive. » Moon se perdait souvent dans ses nuages. Elle laissait son esprit dériver ailleurs. La jeune femme passa une main dans sa lourde tignasse avant de soupirer. « Nous nous connaissons depuis… je ne saurai dire. Mais c’est lui qui doit me supporter et non l’inverse. » Elle servit un beau sourire à son nouvel ami alors qu’elle lui avait tendu un muffin. Car elle était ainsi la jeune Moon. Toujours prompte à faire plaisir aux autres. A aller chercher à manger car elle se rappelait qu’Orion pouvait oublier de se nourrir quand il observait les étoiles, à dessiner longuement, accepter les insultes sans reprendre les autres. Mais elle pouvait se sentir parfois très seule. « Vous faites de l’escrime ? » Elle inclina la tête sur le côté avant de croquer dans son muffin. Myrtille, son favori. Le meilleur moyen de gagner le cœur de Moon étant de lui offrir une pâtisserie. Elle pensait qu’avec une pâtisserie, tous les maux du monde pourraient être réparés. « Je fais du Bo-Jutsu et Taekwondo. J’ai jamais testé l’escrime. » Mais avec son bâton, elle pouvait être redoutable. Elle le fixa longuement alors qu’il la remerciait pour son muffin. « Désolée Ben mais je ne suis pas une chouette. Si vous désirez vous faire pardonner de lui ; un sms fera plus l’affaire qu’une femme qui risquerait d’oublier la moitié du message à peine levée. » Car n’oublions pas qu’elle avait la tête dans les étoiles. Mais pour prouver qu’elle osait l’humour, elle éclata de rire. « Je plaisante. Je lui dirai demain. Nous sommes en cours ensembles. Enfin lui prend des notes et moi je dessine. » Beaucoup de dessins d’Orion, d’Ethan ou d’autres personnes qu’elle croisait. Toujours avec des étoiles.

La jeune femme eut un petit sourire triste alors qu’ils parlèrent de ce qui l’amenait dans le parc. « C’est faux. » Son regard se voila. Comme à chaque fois qu’elle plongeait dans ses pensées. « Je suis… maladroite, tactile et trop franche. Les gens n’aiment pas les personnes trop franches. Et je ne suis attirée que par l’intelligence ou le charisme. Cela ne se limite pas simplement au physique. Mais j’ai besoin d’une connexion émotionnelle assez forte pour… pour… » Se laisser aller. Elle qui n’avait pas sa langue dans sa poche se retrouvait à bégayer. « Personne ne m’aimera jamais pour moi. J’ai 24 ans et je sais que je resterai seule. Ou alors la licorne n’est pas ici. » De nouveau, elle eut un éclat de rire avant de baisser la tête pour se rendre compte qu’elle était en train de mettre son muffin en charpie. « Pardon, je ne devrais pas vous ennuyer avec ça. c’est juste que même si j’ai Orion et qu’il est comme un petit frère casse-pied, je me sens seule. » Elle voyait les gens fonctionner par pair. Et même Orion. Elle savait reconnaître les tourments de l’amour quand elle les croisait. « Je n’ai pas dit que vous étiez en couple. J’ai dit que vous aviez l’étincelle. » Moon redressa la tête alors que sa chienne restait sur ses genoux à les fixer tour à tour. Puis, elle plongea son regard dans celui si clair de Benedict. « Vous avez cet éclat que les autres n’ont pas. J’appelle ça l’étincelle. Attendez. » Elle mit fin au contact visuel avant de fouiller dans son sac et dans son bloc-notes. Ainsi elle lui tendit deux dessins différents de personne prise sur le coup. « Celui de gauche ne l’a pas alors que son voisin… » Toujours avec des étoiles. Plein d’étoiles. « Après je ne suis pas experte mais vous êtes gentil. Je vous aime bien donc j’espère que cette personne ne vous fera pas de mal. Ou alors je lui botterai les fesses avec mon bâton. »


 

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Moon n’était pas familière du vouvoiement. Enfin, si on se posait la question, Moon n’était pas familière du contact avec autrui tout court. Raison pour laquelle elle a débarqué près de Benedict sans un bonjour et en lui tendant un dessin. Certes, il ne s’agissait pas d’un Van Gogh mais il s’agissait de son passe-temps. Elle aurait aimé en faire des études mais elle ne se voyait pas laisser Orion tout seul. Il était sa seule famille et comme son frère. Ainsi, elle le suivait comme son ombre silencieuse souvent. Que cela soit en cours ou sur le toit. Quelle ne fut sa surprise de voir que Benedict était le maitre d’escrime de son meilleur ami. Et alors qu’elle regardait Benedict avec ses grands yeux bleus, elle eut un petit rire. Presque triste. « Avec tout mon respect, vous ne me connaissez pas. Je sais comment je suis et je ne suis pas un cadeau. » Trop souvent tête en l’air, maladroite à la fois en paroles et en gestes. Et qui avait envie de dormir tout le temps. Non, Moon ne se considérait pas comme un cadeau. Puis, avec Orion qui avait un coup de cœur pour la petite Ysaline, la demoiselle s’était remise à se sentir plus seule que jamais. Préférant le bonheur de son meilleur ami au sien. « Oh non, non. Me mettre un fleuret en main c’est à coups sûrs… » Elle fouilla dans son sac pour en sortir son bâton télescopique qu’elle déplia d’un coup de poignet. Des fois, on pourrait croire qu’elle a fait ça toute sa vie. « Je suis trop maladroite. Doooonc si on me colle un fleuret entre les doigts, on peut être certain que soit je vais m’embrocher -ce qui est probable à 95% soit je vais embrocher la personne en face. » Elle préférait être honnête, ne mentant jamais. Mais elle se complait à regarder son bâton qui était avec son chien son plus proche ami. « Puis monsieur bâton me suffit amplement. » Elle écoute Benedict avant de froncer les sourcils. Souvent, la jeune femme ne comprenait pas ce que les personnes lui disaient. Elle se sent devenir rouge de honte avant de déglutir. « C’est vrai que je fais 1m78 donc on pourrait dire que je suis très grande. » Se rendant compte de la stupidité de ses dires, elle se met à rougir davantage.

Lorsque les relations amoureuses arrivent sur le tapis, Moon laisse son esprit dériver. Après tout, elle n’avait pas rencontré grand monde d’intéressant ces derniers temps. Un gamin de 15 ans qui discutait comme un adulte et avait l’empathie d’une petite cuillère. Et personne d’autre. Aucun risque de mettre un alinéa avec « et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. » Bon déjà la conception du bonheur n’était que chimérique et ensuite pas d’enfants. Jamais. Elle était déjà assez calamiteuse, elle risquait de laisser crever ce pauvre enfant de faim. « Oh non pour moi c’est foutu. Je suis fataliste voyez-vous. Pour moi tout est écrit à l’avance. Et donc il semblerait logique venant d’une femme dont les parents l’ont abandonné avant son premier cri qu’elle termine seule. C’est pas grave… » Elle se met à flatter sa chienne qui ne bouge pas. « J’ai Lou pour me tenir compagnie. » alors pourquoi ses yeux la piquaient autant ? Elle prend de profonde inspiration pour contrôler son cœur qui peinait à pomper le sang correctement avant de se pencher pour donner un morceau de fruits à sa chienne qui ne bougeait pas de sur ses jambes. « Ce n’est pas mon rêve, conclue-t-elle. » Elle gratouille l’oreille de la louve avant de lui tendre son carnet. « C’est ça. J’aime bien l’astronomie mais mon truc c’est le dessin. Après si je peux trouver quelqu’un à dessiner, ça sera un bonus. » Il y en avait de nombreux dans son notebook. Des personnes rencontrées au hasard, des dessins d’Orion, de Lou, du gamin. Elle ne se doutait pas qu’elle allait rencontrer quelqu’un d’ici peu. La jeune femme pencha la tête sur le côté avant de cligner des yeux. « On dirait moi. Et ça fait longtemps que vous vous fréquentez ? » Lou releva le museau pour se mettre debout avant d’aller vers Benedict en quête de caresses.



 

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La jeune femme avait une bien piètre opinion d’elle-même. Il faut dire qu’elle ne montrait que très rarement cette facette un peu plus mélancolique d’elle-même. Il y avait Orion qui l’avait vu et maintenant Benedict. Il était étrange qu’elle se confie à un inconnu quand on ne la connaissait pas. Mais Moon était transparente, elle était incapable de dire du mal de quelqu’un et d’en penser. Sauf si on faisait du mal à ses proches, ce qui n’arrivait pas souvent. Orion savait se défendre et les quatre fantastiques aussi. « Des épées en bois ? Comme avec les enfants ? » Elle éclata de rire avant de passer une main dans ses cheveux roux pour se reprendre. La demoiselle avait bien souvent des expressions un peu plus marquées que la moyenne. « Je suis née avec cette maladresse. Je passe mon temps à me blesser ou faire des bêtises sans faire exprès. Et pour me soigner, c’est une mince affaire. Car souvent, ce n’est pas important. » La rousse courait trop dans tous les sens et il n’était rare de la voir avec une blessure quelconque ensanglantée en train de sautiller comme un chien en manque de caresses. Il arrivait qu’elle rentre le soir chez elle dans son petit appartement pour voir les traces de sang. Tout le monde -son entourage- avait compris son fonctionnement. Et il n’était pas rare que l’un d’eux la force à s’asseoir ou l’appâte avec un gâteau. Sa gourmandise était sans aucun doute son plus gros vice et donc elle se retrouvait à engloutir des quantités de sucre astronomiques. A coups sûrs, elle mourra de diabète. « J’avais entre seize et dix-sept ans. On s’en est pris à une amie à moi, j’ai pris un bâton et j’ai tapé. Et depuiiiis, je m’exerce. Je suis ceinture noire de taekwondo et second dan. J’espère parvenir au rang de maître un jour. Encore trois dans. » Elle fixa Ben dans les yeux avant de lui servir un immense sourire.

« C’est marrant, on se ressemble énormément malgré notre différence d’âge. » Et elle était sans doute un peu plus cinglée que lui. Mais Moon ne comprenait pas que son côté lunaire pouvait altérer la vision d’autrui sur elle. « Orion est comme mon frère. Même s’il a été adopté et pas moi. On est même nés à quelques jours d’intervalle. C’est drôle parce qu’on adore tous les deux les étoiles. La lune et la ceinture d’Orion. » Elle avait un certain sourire quand elle parlait de son meilleur ami. Mais d’aussi loin qu’elle se souvienne, Orion a toujours été présent dans sa vie et c’était réciproque. Elle ne le quitterait pas pour tout l’or du monde. Ou le plus bel homo-sapiens de la Terre qui désirerait faire un bout de chemin avec elle. « Euh… Je sais pas trop. Au pire, faites-vous une idée. » Elle sortit son précieux carnet avant de le tenir contre son cœur. Déglutissant, elle se rendait compte du caractère intimiste de sa démarche avant de se mettre à rougir. Puis, elle s’approcha de Benedict pour lui montrer le dessin d’un inconnu. Et un des nombreux d’Orion. « J’aime capturer des émotions. Je ne sais pas s’il y a une différence. Dernièrement, j’ai essayé… attendez… » Elle tourna les pages, délaissant les portraits réalistes pour se tourner vers les cartoons. En outre celui qu’elle avait tendu à Benedict une heure avant ça. « Là, j’essaie de donner une dimension comique. » Son regard se perdit quelques minutes dans le vague à mesure qu’elle lança de manière spontanée. « J’aimerai quelqu’un qui me fasse rire. Et je suis… tactile. Faudra accepter les câlins et d’avoir une géante maladroite en guise de glue. »

La demoiselle s’éloigna sans toucher son nouvel ami. car elle sentait que ce début d’amitié était basée sur un profond respect envers les autres. Elle l’écouta attentivement se confesser sur Luke donc. Son compagnon depuis quelques mois. « On n’aime pas une personne pour son sexe ou pour son âge. Ni pour son grade. Je pense que je suis la plus mal placée pour vous donner des conseils. » La jeune femme laissa échapper un petit rire. « Quand je disais que l’on se ressemblait trop. Mais ça va aller. » Elle se pencha pour hésiter un instant et poser délicatement sa main sur celle de Benedict. « Vous le saurez tôt ou tard. Cela ne fait que quelques mois et je suppose que c’est le premier homme que vous… pardonnez ma franchise, désirez ? » Elle fit une moue désolée avant d’ôter ses doigts. « Au pire, faites comme moi. Laissez-vous couler et porter par cette relation. Puis s’il vous fait du mal, vous aurez toujours Orion. » Et elle, évidemment mais c’était sous-entendu. Moon prit un morceau de pomme qu’elle cassa en deux avant d’en donner une part à son animal puis de prendre l’autre. Avant de reporter son regard azuré sur celui similaire de son ami. Car il alalit devenir son ami. elle en était certaine.




 

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Moon n’était pas spécialiste friande de violence. Certes, c’était beaucoup elle qui déclenchait les bagarres dans les bars mais dans le fond, elle demeurait pacifiste. Il n’y avait que lorsqu’on cassait son verre qu’elle pouvait se lever et dégainer son bâton. Seulement, l’idée de combattre quelqu’un comme Benedict la mettait profondément mal à l’aise. Pour cause que l’homme était trop doux pour ce monde et ensuite parce qu’elle commençait à l’apprécier, ne désirant pas le blesser. Elle eut un franc éclat de rire, le premier depuis qu’elle était assise à ses côtés. « Pourquoi cela ne m’étonne pas ? » Rejetant sa lourde masse capillaire en arrière, elle fixait Ben dans ses yeux aussi bleus que les siens. Il aurait pu être son père, pensa-t-elle intérieurement. Car elle devait admettre qu’ils avaient les mêmes yeux et le même sourire. Mais la ressemblance se stoppait là. « Personne ne touchera à mon sabre laser d’Obi Wan Kenobi édition collector. » Elle secoua la tête à la négative avant de sourire de nouveau lorsqu’elle se calma. Orion et elle avaient ça en commun. Cette passion pour les étoiles. Et pour Star Wars. Elle ne comptait plus les moments qu’ils avaient passé ensemble à regarder les films avec des cochonneries pour les lancer à l’écran quand quelque chose ne leur plaisait pas. « Vous parlez comme un professeur. C’est typiquement la phrase bateau qu’on sort à un élève. » Et cela avait don de l’agacer les « j’espère que tu atteindras ton objectif » ou les « je suis désolée pour toi ». C’était froid et impersonnel. Cela lui fit perdre son sourire temporairement alors qu’elle mordit dans le muffin pour cacher son mauvais caractère. Mais elle a toujours été impulsive notre jeune rousse et il faut dire que ne sachant pas mentir, quand quelque chose ne lui plaisait pas, elle le disait à voix haute. « Il fallait bien et il était le seul qui me supportait plus de deux minutes cinquante. » Et pour cause que Benedict ne le côtoyait que depuis une heure et il lui parlait déjà comme un dictionnaire.  Elle avait ce sentiment de n’être qu’une petite fille en face d’un homme d’âge mur. Comme s’il n’était qu’un vieux sage près pour la retraite. « Je ne sais pas d’où me vient cette passion. Le dessin, oui, je sais. Mais pas les étoiles. Je sais que petite, j’escaladai le toit pour les admirer. Vu qu’il a été adopté. » Elle lâcha un petit soupir nostalgique. « Personne n’a jamais voulu de moi. Les parents disaient que soit j’étais trop rousse, soit trop lunaire. Donc ça plaisait pas. Et ça ne plait toujours pas d’ailleurs. » Elle avait pris conscience que sa personnalité pouvait ne pas plaire à tout le monde. Heureusement pour la jeune femme, elle avait sa chienne qui était endormie sur ses genoux et qu’elle flattait de temps à autre.

« Disons que c’est plus qu’un passe-temps pour moi. » Elle tendit le bras avant de faire un tour de poignet pour faire apparaître son crayon qui était coincé dans son bracelet à l’intérieur. Avec une mine bien taillée, cela pouvait s’avérer être aussi un bon instrument pour se défendre. « Toujours un crayon à portée. J’aimerai bien faire mes études dedans. Mais je dois déjà finir mon cursus en astronomie. Orion supporterait mal que je l’abandonne pour le dessin. » Et pourtant, elle en avait envie. Il suffisait de la regarder dans les yeux et d’analyser son visage pour voir que l’astronomie ne la passionnait pas plus que ça. La jeune femme ne savait même pas comment elle faisait pour réussir chaque année alors qu’elle n’écoutait rien. Naturellement, elle en vint à parler de sa quête.

Celle de trouver quelqu’un qui la supporterait assez pour l’aimer.

« Vous parlez encore comme un dictionnaire. A croire que vous bannissez les sentiments de vos échanges. » Elle avait dit ceci sans ombrage cette fois-ci. « on dirait C3-PO. Vous savez, j’ai vingt-quatre ans donc inutile de me parler comme si je n’étais qu’une enfant. » Elle disait ceci à titre informatif. Car elle ne supportait pas les personnes qui débitaient des phrases toutes faites. Sans doute était-ce là où la ressemblance entre Benedict et Moon se stoppaient. « Je commence à en plus y croire. Après tout, si mes propres parents n’ont pas voulu de moi, pourquoi quelqu’un d’autre le ferait ? » Encore une fois, le fatalisme prenait le dessus sur l’optimisme. Mais cela faisait si longtemps qu’elle était seule qu’elle se sentait comme piégée de cette dernière. Souvent, les dessins qui la représentaient elle-même n’étaient pas des plus joyeux. Et heureusement, elle ne les avait pas sur elle sinon Benedict lui offrirait une séance de psychanalyse gratuite. « Encore une fois, vous vous posez trop de questions. L’âge n’est qu’un nombre auquel seuls les fous ou les peureux accordent de l’importance. » Et s’ils étaient revenus dans leur univers, elle lui aurait dit que tout ceci menait au côté obscur. « Je pense que tu cherches un moyen de fuir et de le repousser. C’est tellement plus simple que de se laisser aller à la passion. Il suffit de voir comment tu me parles, il n’y a presque pas de sentiments dans ce que tu dis. On dirait un manuel scolaire pour les étudiants. » Moon avait lâché ceci sans se rendre compte qu’elle avait opté pour le tutoiement. Mais voir un homme de son âge repousser le bonheur qu’elle cherchait était d’une stupidité sans nom. « Et on ne couche pas avec un flirt. Sinon on appelle ça un plan cul de nos jours. »

Elle éclata d’un petit rire en écho à son sourire. « Moi aussi, je me pose beaucoup de questions. Je suis presque certaine que le jour où une personne captera mon attention, j’adopterai la fuite. » Et elle savait que les quatre mousquetaires qui ne la quittaient pas d’une semelle feraient tout pour ne pas qu’elle passe à côté du bonheur. « La vie n’est pas étrange, Ben. C’est nous qui la rendons ainsi. Il n’y a pas forcément de raisons cosmiques à votre rapprochement ou alors au fait que t’es seize ans de plus que lui. C’était écrit. Là est la notion du fatalisme, tout arrive pour une bonne raison. Luke et toi étiez faits pour partager cette intimité. A toi de voir si tu veux qu’elle ne soit qu’éphémère et fuir comme un lâche ou si… » Elle fit sauter son crayon en l’air avant de le saisir en plein vol pour étayer ses propos. « Des fois, il ne faut pas questionner l’opportunité et juste la saisir. » Délaissant sa main, elle s’écarta avant de soupirer. La jeune femme avait envie de le secouer. « Des amis de valeur ? What ? » La jeune femme laissa son regard océan se perdre dans le vague. « Je pense que je vais avoir beaucoup de travail avec toi. Déjà on va essayer de faire en sorte que tu ne parles plus comme un manuel. Un peu de chaleur que diable. Un peu d’émotions. » Se rendant compte qu’elle était allée trop loin, elle eut un petit rire pour désamorcer. « Pourquoi tu fais taire tes émotions ? T’as un verrou là-dessous. Ta peur d’être avec Luke. La manière dont tu me parles. On dirait un vieux jedi blasé qui a tout perdu dans la vie. Et encore, je pense que Qui-Gon mettait un peu plus de chaleur dans ses paroles. Tu sais tu ne perdras rien à être humain. » La demoiselle se pencha pour poser ses deux mains sur celles de Benedict avant de plonger dans son regard aux mêmes teintes que le sien. Elle y lut effectivement toutes les questions qu’il se posait sur son amitié avec Luke mais aussi, elle semblait voir le frein qu’il mettait à se tenir à distance d’autrui. « Laisse-toi aller. Ta vie, elle est précieuse et ce n’est pas en jouant à l’ordinateur que tu vas la savourer. »





 

w/   @Benedict Q. Kenney  

« I got no excuses for all of these goodbyes
Call me when it's over, 'cause I'm dying inside
Wake me when the shakes are gone
And the cold sweats disappear
Call me when it's over and myself has reappeared
I don't know, I don't know, I don't know, I don't know why
I do it every, every, every time
It's only when I'm lonely »
- Sober, Demi Lovato


Moon était un être à part. quelquefois, elle disait, faisait des choses qui ne correspondaient pas à la société. Il était rare qu’elle ait des paroles blessantes, volontairement méchantes. Car après tout, elle était à part. C’était avant tout un être qui gravitait autour de la Terre et qui regardait les autres par curiosité. Souvent, elle laissait son esprit dérivé, aller vers une autre planète sur laquelle elle se posait. Assise en tailleur, elle jouait des petites pierres. Leur donnait des noms. Mais ce sentiment de solitude ne la quittait jamais réellement. Elle aurait beau s’entourer de cent mille personnes. Elle aurait beau essayer d’être sociable, de sourire, de rire. Rien ne réchaufferait son myocarde. Car les gens ne l’acceptaient pas comme elle était. Ainsi, elle regardait Benedict avec tendresse et gentillesse. Et l’entendre rire lui arracha un sourire. Elle se balança alors un peu avant de laisser son regard dériver vers l’inconnu. « Je pense que je prendrai celui de Mace Windu. Mais je doute pouvoir faire parti de l’univers Star Wars. » Ou alors, je ne serai pas quelqu’un d’important. Pas comme Orion qui serait à coups sûrs, un jedi. Ben en avait l’étoffe aussi. Dans sa manière de se tenir et de parler. On aurait dit un vieux jedi qui tentait d’inculquer des leçons aux jeunes qui passaient. Elle comprenait pourquoi Orion le tenait en si haute estime. La demoiselle pourrait faire la même mais elle soupçonnait qu’il n’y avait pas assez de places dans la vie de son interlocuteur pour elle.
Dans la vie de personne d’ailleurs.

De nouveau, son esprit s’échappa. Elle aurait pu voir son corps de l’extérieur. Cette frêle silhouette aux proportions qui n’allaient pas. Trop grande, des cheveux trop roux, une peau trop blanche. Moon était mal dans sa peau. Elle voulait être un esprit libre, s’envoler loin et ne plus revenir. Le monde lui paraissait terne qu’elle capturait les rares moments de joie pour les mettre dans son calepin. Calepin qui reposait de manière négligée dans l’herbe. Ce fut Lou qui la ramena à la réalité. La chienne lui mordilla doucement les doigts comme si elle sentait que sa maitresse était en train de dériver. De partir ailleurs. « Non, murmura-t-elle d’une voix absente, j’irai jusqu’au bout de mon master. Et je recommencerai des études de dessin après. » Peut-être pourra-t-elle alors se tourner vers un domaine où on l’autorisera à capturer les étoiles ? Les dessiner ? Souvent, elle s’imaginait assise sur la lune avec un lasso. Ainsi, elle pouvait attraper les étoiles. Voir ainsi un minuscule bébé qui irradiait dans le creux de sa peau et qui lui murmurait des choses. Ou alors elle voyait ses parents. Ses vrais parents et leur demandait pourquoi ils l’avaient abandonné. Pourquoi avait-elle tout le temps froid ?

Alors qu’elle avait posé sa main sur celle de Ben avec douceur, elle fut surprise de la virulence de ses propos. Le ton était certes conciliant mais la jeune femme le regarda. La bouche entrouverte. Les mots pouvaient blesser, les mots pouvaient vous mettre plus bas que terre. Il fallait faire attention à comment on lui utilisait. Et peut-être qu’il n’avait pas conscience de ce qu’il lui disait. Elle voulait croire là-dedans. Mais de nouveau, son regard si bleu dériva. Elle se sentait s’enfoncer. Dans des nappes froides, obscures. Et Benedict lui maintenant la tête au-dessous. Elle tentait de se débattre. Mais les mots « jugement » « je pensais que ». Il pensait quoi ? Il ne la connaissait même pas. La frêle jeune fille baissa donc la tête, honteuse. Son visage d’albâtre perdit toute sa couleur pour devenir aussi gris que le ciel. Le silence. Sa bouche demeurait close alors qu’elle ferma les yeux. Elle avait besoin de s’évader. Pourquoi voulait-elle se socialiser dans le fond ? Pourquoi était-elle venue vers un homme qui n’avait rien demandé ? Pourquoi avait-elle émis ses paroles qui n’avaient pas pour but de blesser ? Elle voulait comprendre le comportement humain.

Mais l’humain ne la comprenait pas.
Donc, elle prit de profondes inspirations alors que son esprit s’évapora au loin. Ce fut comme si tout son être désirait aller ailleurs. Comme si elle se voyait vivre dans un autre monde, vivre d’autres aventures. Mais la jeune femme ne parvenait pas à dessiner les contours d’une silhouette à ses côtés. Orion se détournerait d’elle tôt ou tard. L’homme assis en face d’elle n’était pas son ami. Ne le serait jamais. Et j’avoue que je te trouve un peu trop prompte à juger autrui. Si tu savais à quel point tu as tort, Benedict. Elle disait juste ceci pour d’aider. Pour essayer de voir s’il y avait des sentiments en-dessous. De nouveau, sa tête fut immergée et le reste du monde lui parut flou. Elle n’entendait plus rien ce n’était un bourdonnement dans ses oreilles. J’aurais pu penser que tu saurais mieux faire la part des choses. Tu pensais quoi ? Tu ne me connais pas, pensa-t-elle. La jeune fille sentait tout le sang déserter son visage à mesure qu’elle se rappela les paroles du vieil homme. Et ses épaules s’affaissèrent. Son visage aussi. Lou se redressa pour venir poser sa truffe contre la joue désormais si froide de sa maîtresse. Ce n’est parce que l’on est différent que cela nous rend indigne d’être humain. Ce n’était pas ce que je voulais dire, voulut-elle hurler. Mais il semblait l’avoir attaché. Et prêt à enflammer le bûcher.

Moon fit donc bouger ses doigts avant de battre des cils. Des perles translucides tombèrent lourdement sur son pantalon. N’osant croiser le regard de Benedict, la jeune fille posa une main tremblante dans le pelage soyeux de son animal avant de venir se relever. Elle ramassa en silence ses affaires. Le silence. Indigne d’être humain. Plus que jamais, la honte vint la saisir à la gorge. Et elle eut cette désagréable impression qu’au travers de ses paroles, l’homme lui avait adressé un message.
Qu’elle, elle était indigne d’être humain.

« Je ne vais pas vous déranger plus longtemps, chuchota-t-elle d’une voix à peine audible, navrée de vous avoir incommodée. » C’est comme si la jeune fille qui était prompte à le prendre par la main, à la regarder en souriant avait disparu dans un écran de fumée. Elle avait mal, Moon. Et elle ne désirait pas affronter la douleur de sa solitude, de son exclusion face à quelqu’un. « Je fus ravie de faire votre connaissance. » Le « vous » de nouveau présent entre eux. Comme un fossé qu’il avait creusé avec ses paroles. Elle prit son sac, ne faisant pas cas du calepin qui trônait toujours dans l’herbe. Abandonnant ses esquisses, abandonnent son rêve par la même occasion avant de tourner les talons, tapotant sa jambe. Sa chienne qui avait fixé Benedict avec mépris se détourna de lui pour venir suivre sa maitresse. Qui avait le cœur si froid mais désormais si lourd. Qu’elle avait le sentiment qu’une pierre battait dans sa poitrine.
Et que tout ceci était de sa faute.